Page:Œuvres de Vauvenargues (1857).djvu/261

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
207
SUR LE LIBRE ARBITRE.


spectacle admirable que ce concert éternel de tant d'ou- ·vrages immenses, et tous assujettis a des lois immuables! 0 majesté invisible ! votre puissance infinie les a tirés du néant, et l'univers entier, dans vos mains formidables, est comme unfragile roseau. L’orgueil indocile de l’homme oserait-il murmurer de sa subordination? Dieu seul pouvait etre par- fait; il fallait donc qu’il soumlt l’homme à cet ordre inévi- table, comme les autres créatures; en sorte que l’homme pût leur communiquer son action, et recevoir aussi la leur. Ainsi, les objets extérieurs forment des idées dans l'esprit, ces idées des sentiments, ces sentiments des volontés, ces volontés des actions en nous, et hors de nous. Une dépen-· V dance si noble dans toutes les parties de ce vaste univers doit conduire nos rétlexions à liunité de son principe; cette ` subordination fait la solide grandeur des etres subordonnés. L’excellence de l’homme est dans sa dépendance; sa sujé- tion nous étale deux images merveilleuses, la puissance in- . tinie de Dieu, et la dignité de notre âme; la puissance de Dieu, qui comprend toutes choses; et la dignité de notre âme, émanée d’un si grand principe, vivante, agissante en lui, et participante ainsi de l'infinité de son étre par une si belle union. L'bomme, indépendant, serait un objet de mé- pris; toute gloire, toute ressource, cessent aussitôt pour lui; la faiblesse et la misère sont son unique partage; le sentiment de son imperfection fait son supplice éternel. Mais le méme sentiment, quand on admet sa dépendance, fait sa plus douce espérance; il lui découvre d'abord le néant des biens finis, et le ramène a son principe, qui veut le re- joindre à. lui, et qui peut seul assouvir ses désirs dans la possession de lui—meme. Cependant, comme nos esprits se font sans cesse illusion, la main qui forma l'univers est toujours étendue sur l’homme; Dieu détourne loin de nous les impressions pas- - sagères de l'exemple et du plaisir; sa grâce victorieuse sauve ses élus sans combat, et Dieu met dans tous les hommes des sentiments très—capables de les ramener au