spectacle admirable que ce concert éternel de tant d'ou-
·vrages immenses, et tous assujettis a des lois immuables! 0
majesté invisible ! votre puissance infinie les a tirés du néant,
et l'univers entier, dans vos mains formidables, est comme
unfragile roseau. L’orgueil indocile de l’homme oserait-il
murmurer de sa subordination? Dieu seul pouvait etre par-
fait; il fallait donc qu’il soumlt l’homme à cet ordre inévi-
table, comme les autres créatures; en sorte que l’homme
pût leur communiquer son action, et recevoir aussi la leur.
Ainsi, les objets extérieurs forment des idées dans l'esprit,
ces idées des sentiments, ces sentiments des volontés, ces
volontés des actions en nous, et hors de nous. Une dépen-· V
dance si noble dans toutes les parties de ce vaste univers
doit conduire nos rétlexions à liunité de son principe; cette `
subordination fait la solide grandeur des etres subordonnés.
L’excellence de l’homme est dans sa dépendance; sa sujé-
tion nous étale deux images merveilleuses, la puissance in- .
tinie de Dieu, et la dignité de notre âme; la puissance de
Dieu, qui comprend toutes choses; et la dignité de notre
âme, émanée d’un si grand principe, vivante, agissante en
lui, et participante ainsi de l'infinité de son étre par une si
belle union. L'bomme, indépendant, serait un objet de mé-
pris; toute gloire, toute ressource, cessent aussitôt pour
lui; la faiblesse et la misère sont son unique partage; le
sentiment de son imperfection fait son supplice éternel. Mais
le méme sentiment, quand on admet sa dépendance, fait
sa plus douce espérance; il lui découvre d'abord le néant
des biens finis, et le ramène a son principe, qui veut le re-
joindre à. lui, et qui peut seul assouvir ses désirs dans la
possession de lui—meme.
Cependant, comme nos esprits se font sans cesse illusion,
la main qui forma l'univers est toujours étendue sur
l’homme; Dieu détourne loin de nous les impressions pas- -
sagères de l'exemple et du plaisir; sa grâce victorieuse
sauve ses élus sans combat, et Dieu met dans tous les
hommes des sentiments très—capables de les ramener au
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SUR LE LIBRE ARBITRE.