244 REFLEXIONS CRITIQUES Néron et obligée de se justifier, commence par ces mots si simples: Approches-vous, Néron, et prenez votre place: On veut sur vos soupçons que je vous satisfssse. Bnrnuuicus, acte IV, scène 2. je ne crois pas que beaucoup de personnes fassent attention • qu’elle commande, en quelque manière, à l'empereur de s'approcher et de s’asseoir, elle quiétait réduite à rendre compte de sa. vie, non a son fils, mais à. son maitre. Si elle eût dit comme Cornélie : · Néron; car le destin, que dans tes fers je brave, Me fait ts prisonnière, et non pas ton eeclnvcg Et tu ne prétends pas qu'il m'abatte le cœur, J usqu‘a te rendre hommage, et te nommer seigneur. .. ‘ alors je ne doute pas que bien des gens n’eussent applaudi a ces paroles, et ne les eussent trouvées fort élevées. Corneille est tombé trop souvent dans ce défaut de pren- dre Fostentation pour la hauteur, et la déclamation pour l’éloquence; et ceux qui se sont aperçus qu'il était peu na- turel à beaucoup d’égards, ont dit, `pour le- justifier, qu'il s'était attaché à. peindre les hommes tels qu’ils devraient étre. ll est donc vrai, du moins, qu'il ne les a pas peints tels qu’ ils étaient : c’est un grand aveu que cela. Corneille a cru donner sans doute a ses héros un caractère supérieur à celui de la nature '; Les peintres n‘ont pas eu la méme présomption :lorsqu’ils ont voulu peindre les anges, ils ont pris les traits de l’enfance; ils ont rendu cet hommage a la nature, leur riche modèle. C’était néanmoins un beau champ pour leur imagination; mais c‘est qu’ils étaient persuadés que Yimagination des hommes, d’ailleurs si féconde en chi- mères, ne pouvait donner de la vie à. ses propres inventions. Si Corneille eût fait attention que tous les panégyriquee étaient froids, il en aurait trouvé la cause en ce que les ora- teurs voulaient accommoder les hommes àleurs idées, au lieu de former leurs idées sur les hommes. • [Personne ne doit être assez fat pour dirc de soi ce que disent les héros de Corneille. — \'.]
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