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Page:Œuvres de Vauvenargues (1857).djvu/299

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SUR QUELQUES POÈTES.


Mais l'erreur de Comeille ne me surprend point : le bon · goût n'est qu’·un sentiment fin et fidèle de la belle nature, _ et n’appartient qu'à. ceux qui ont l’esprit naturel. Corneille, né dans un siècle plein d’afl`ectation, ne pouvait avoir le goût juste. Aussi l’a-t-il fait paraitre, non-seulement dans ses ouvrages, mais encore dans le choix de ses modèles, qu‘il a. pris chez les Espagnols et les Latins, auteurs pleins d'entlure, dont il a préféré la force gigantesque à la simpli- cité plus noble et plus touchante des poètes grecs. De lb. ses antithèses affectées, ses négligences basses, ses licences continuelles, son obscurité, son emphase, et enfin ces phra- ses synonymes, ou la méme pensée est plus remaniée que la division d'un sermon. Delà encore ces disputes opiniàtres, qui refroidîssent quelquefois les plu_s fortes scènes, et où l’0n croit assister a une thèse publique de philosophie, qui noue les choses pour les dénouer. Les premiers personna- ges de ses tragédies argumentent alors avec la toumure et les subtilités de l’école, et s'a.musent à faire des jeux frîvoles de raisonnements et de mots, comme des écoliers ou des lé- gistes '. t Au lieu dc cette phrase, la 1* édition donnait: « Comme lorsque Cinna v di : · t Que le peuple aux tyrans ne mit plus exposé; - 3’il eut puni Sylla, César eut moins osé. Cnuta, acte ll. wm I. • Car il n'y a persomre qui ne prévienne la réponse de Maxime : Hal: la mort ds César, que vous trouvez sl juste, . A servi de prétexte aux cruauté; d'Auguste. Voulant nous afrauchir, Brute s'est abusé; S’il n‘eùtjpuui Cesar, Auguste eût moins osé Cnuu, une scène. — ¤ Il faut avouer que ees jeux frivole: de raisonnement sont d'un gout en- • core bien barbare. • - Sur l’exemplaire d’Aix, Voltaire écrit : Cette critique paraît trés-fausse; il n'y u pas là de jeux [rivales, et Vauvenargues, se ren- dant a l'avis de Voltaire, oto le passage dans sa sewnde édition; c'est donc il tort que les éditions suivantes le retablissent. Mais, chose A noter, Voltaire, qui fait ici supprimer cette critique, la trouvant fausse, la reprend pour son compte dans son Commentaire sur Corneille, dont la 1** édition a paru en 1706, c'est-L-dire vingt ans après que Vauvenargues écrivait oe morceau. Il est indubitable, dlt Voltaire, que cer dissertations ne covwiennent guère ai la tragédie". Je crois que les combats du cœur sont toujours plus intéressants · que des raisonnements politiques, et des contestations qui, au fond, sont son- · I