Page:Œuvres de Vauvenargues (1857).djvu/344

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B0 ESSAI . 2. '— [rnnnécins, on r.'Ambition trompée.] [Phérécide a sacrifié une fortune médiocre .à. des espé- rances peu sages. ll a couru en méme temps plusieurs car- rières; il n’a pas su bomer ses désirs, et il s’est trop confié à. son ambition et à son courage. Les événements et le monde lui étaient contraires, il s'est obstiné; il a cru qu'on faisait soi-méme ses destinées, et qu'on ne dépendait point de sa position et de la bizarrerie des choses humaines; il a tenté au dela de ses forces, il s’est confié sans succès à ses propres ressources, il n’a pu venir à bout de l' adversité. ll a vu ses égaux sortir de pair, et le devancer par divers hasards : les uns ont percé par le jeu, les autres par de riches successions; quelques—uns se sont produits parla faveur des grands, ou par des talents trés-frivoles mais aimés du monde, et plusieurs n’ont eu besoin pour parve- nir que de savoir bien danser, d'avoir des traits agréables, de beaux cheveux, ou de belles dents. Phérécide a fait une faute irréparable; il a voulu hâter ses destinées; il a trop négligé les moyens qui l`auraient mené à. la fortune, lente- ment et par degrés, mais peut-être avec sûreté; il "a tou- jours tendu trop haut, et n’a cultivé aucun talent particu- lier, au lieu · de s'attacher avec une application constante à un seul objet. Les grands avantages qu'il a recherchés lui ont fait mépriser les petits qui étaient à. sa portée, et il n’a obtenu ni les uns, ni les autres. La fierté de son caractère, qu’i1 a voulu en vain dissimuler, l’a privé de la protection des gens en place; ainsi, la hauteur même de son âme, son esprit et son mérite ont nui à son avancement et à ses des- seins. S'il eût moins attendu de ses ressources, il aurait mieux proportionné ses espérances et ses démarches a son état : les esprits mûrs et modérés ne forcent point leur. avenir; ils mesurent leurs entreprises sur leur condition; ils attendent leur fortune dœ événements, et la font quel- quefois sans peine; mais c'est une des illusions de la jeunesse de croire'qu’on peut tout par ses forces et ses lu-