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SUR QUELQUES CARACTÈRES.


car jusqu’à l’armée, où il y a tant de distractions inévitables, il porte cette activité infatigable; les troupes le voient rarement; et, pendant qu’il est obsédé de ses créatures , qu’il donne des ordres ou qu` il rnédite des intrigues, le soldat murmure de ne pas le voir, et blâme ce genre de vie trop austère, tandis que le consul qui commande en chef se communique, se montre partout, et se fait aimer des centurions et des troupes. Mais Lentulus emploie sa retraite à traverser secrètement les entreprises de son chef; et il fait si bien, que le pain, le fourrage et même l’argent manquent au quartier-général, pendant que tout abonde dans son propre camp’. S’il arrive alors que les troupes de la république reçoivent quelque échec de l’ennemi, aussitot les courtiers de Lentulus font retentir la capitale de ses plaintes contre le consul; le peuple s’assemble dans les places par pelotons, et les créatures de Lentulus ont grand soin de lire des lettres par lesquelles il parait qu’il a sauvé l’armée d’une entière défaite; toutes les gazettes répètent les memes bruits, et tous les nouvellistes sont payés d’avance pour les confirmer’. Le consul est forcé d’env0yer des mémoires pour justifier sa conduite contre les artifices de son ennemi ’;

  • Var. : « On dit qu’il fait en sorte que les suhsistances manquent au quartier-général, pendant que tout abonde dans son propre camp. Il n’y a point

· de bruit que l’envie n’adopte avidement contre les hommes qui sont nés su- _ ¤ périeurs aux autres; le consul appuie lui-même ces bruits injurieux, et u toute l’armée se partage entre ses deux chefs désuuis. ·•

• Add. : « Ceux qui savent la vérité, et qui ne sont point entralnés par des motifs particuliers, rendent du moins cette justice à Lentulus, qu’en agissant quelquefois contre ses ennemis personnels, son sms, vivement attachés L la gloire, a toujours respecté l’État. Mais l’ambition , la hauteur, et « plus que tout cela, les grands talents, révoltent aisément la multitude; le, « soupçon et la calomnie suivent le mérite éclatant, et le peuple cherche des « crimes à ceux qu’il estime assez courageux pour les entreprendre, et assez · habiles pour les cacher. •—Ici, déjà, se découvre le faible de Vauvenargues pour l’ambition, meme séditieuse, lorsqu’elle est meléc de quelque force et de quelque grandeur. Nous l’avons déja remarqué A propos de Catilina, nous le remarquerons encore dans plusieurs Caractères, et dans quelques Dialogues, Vauvenargues, dont l’âme était passionnée en dedans, et dont l’esprit se nourrissait parfois de chimères, aimait, au moins en imagination, les grandes passions et les grandes péripéties, fussent-elles un peu violentes. - G

‘ Var. : « Le sénat ne peut se prononcer entre deux si grands capitaines « il dissimule les mauvais offices qu’ils veulent se rendre, afin de les forcer