l'emportent enfin sur les vœux d'un rival moins aimant que
lui, et l’amour, Ie temps, le caprice, récompensent des feux
si purs. Il retourne chez lui préoccupé et atœndri; l’amour
fait entrer la bonté dans un cœur ingénu et sensible; les
soupçons, l’envie, l’intérét, la haine, n'ont pas de place dans
un cœur touché et content; on ne peut dépeindre la joie
d'Aceste, son transport, son silence et sa distraction. Tous
ceux qui dépendent de lui se ressentent de son bonheur : ses ·
gens, à. qui il a donné ordre de l’attendre chez lui, ne s’y
trouvent point; Aceste, vif et impatient par caractère, ne se
fâche pas, et, comme ils s’excusent, en arrivant, d'etre venus
tard, il leur dit qu'ils ont bien fait de se divertir, et qu’il
serait bien fâché de troubler la joie de personne. Alors, si
un misérable se présente à lui, Aceste lui donne sa bourse,
car la pitié suit l’amour, et lui dit : « Je suis trop heureux
« de pouvoir adoucir vos peines; si tous les hommes vou-
« laient s’entr'aider,il n'y aurait point de malheureux; mais
u l'atl'reuse et inexorable dureté des riches retient tout
« pour elle, et la seule avarice fait toutes les misères de la
« terre. » Aceste ne se pique plus que d'étre bon; il par-
donne a ses ennemis; il va voir un homme qui a voulu lui
nuire. Heureux, dit-il, ceux qui ont des passions qui les
rendent moins insensibles, moins orgueilleux, moins déli-
cats, moins formalistesl Ohl si l'on pouvait toujours étre
tendre, généreux, et sans orgueil!.. Pendant qu’il s'occupe ·
de ces réflexions, quelques jeunes gens qui le connaissent
se moquent de cette passion qui le dévore, et surtout des
belles idées qu’il a sur l’amour; mais il leur répond :
« Je n’ai point appris, Dieu merci, à mépriser l'amour qui
« me plait, pour diminuer mes plaisirs. J'estime les choses
« humaines, parce que je suis homme', et ne me pique pas
« de trouver dans mon imagination ce que je trouve plus ·
« facilement dans la nature. L'intéret, la vanité, l'ambi-
· tion, pourront bien un jour dessécher mon cœur; et y
« faire périr les sentiments naturels; mais, du moins, je
- C'est le ven de Terence : Homo sum, nihil humani o me olienum pm. -6.