trat laborieux; c'est un homme qui n'ignore rien, mais qui
ne sait rien; qui, faisant mal son métier, quel qu’il soit, se
croit très·oapable de celui des autres; un homme qui a
beaucoup d'esprit inutile, qui sait dire des choses flatteuses
qui ne fiattent point, des choses sensées qui n'instruisent
point , qui ne peut persuader personne, quoiqu’il parle
bien; doué de cette sorte d'éloquence qui sait créer ou re-
lever les bagatelles, et qui anéantit les grands sujets; aussi_
pénétrant sur le ridicule et sur le dehors des hommes, qu’il
est aveugle sur le fond de leur esprit; un homme riche en
paroles et en extérieur, qui, ne pouvant primer par le bon
sens, s’efi'0rce de paraitre par la singularité; qui, craignant
de peser par la raison, pèse par son inconséqueuce et ses
écarts; plaisant sans gaité, vif sans passions; qui a besoin
de changer sans cesse de lieux et d’objets, et ne peut sup-
pléer par la variété de ses amusements le défaut de son
propre fonds. Si plusieurs personnes de ce caractère se
rencontrent ensemble, et qu'on ne puisse pas arranger une
partie, ces hommes, qui ont tant d'esprit, n’en ont pas
assez poursoutenir une demi-heure de conversation, méme
avec des femmes, et ne pas s’ennuyer d'abord les uns des
autres. Tous les faits, toutes les nouvelles, toutes les plai-
santeries, toutes les réflexions, sont épuisées en un mo-
ment. Celui qui n‘est pas employé à. un quadrille ou à un '
quinze, est obligé de se tenir assis auprès de ceux qui jouent,
pour ne pas se trouver vis-à—vis d'un autre homme qui est
aupres du feu, et auquel il n'a rien à dire. Tous ces gens
aimables qui ont banni la raison de leurs discours, font assez
voir qu'on ne peut s’en passer ; le faux peut fournir quel-
ques discours qui piquent la surface de l'esprit; mais il n’y _
aque le vrai qui pénètre le cœur, qui intéresse, et qui ne
s'épuise jamais.
20. — rnaasirne, ou trs Gens à la mode.
_Thrasille n'a jamais souffert qu'on rit de réflexions en sa
• présence, et qu'on eût la liberté de parle1· juste. ll est vif,
Page:Œuvres de Vauvenargues (1857).djvu/365
Cette page n’a pas encore été corrigée
311
SUR QUELQUES CARACTÈRES.