profond, pénétrant., et impénétrable A ses amis mème; né
avec le discernement des hommes, découvrant sans envie
le mérite des autres, et confiant au sien; insinuant et hardi,
également propre à persuader par la force de la raison et
par les charmes de la séduction; 'fertile et puissant en
moyens pour plier les faits et les esprits a ses fins; vrai par
caractère, mais faisant de la vérité meme un artifice, et
plus dangereux lorsqu’il dit la vérité, que les plus trom-
peurs ne le sont par les déguisements et le mensonge,
c'est un de ces hommes que les autres hommes ne com-
prennent point, que la médiocrité de leur fortune déguise
et avilit, et que la prospérité seule peut développer et mettre
ra leur place.
36Ã - [Mantoue, ou L»’Esprit moyen '.]
[Ménalqne était toujours heureux dans ses entreprises,
parce qu’elles étaient toujours proportionnées à. ses moyens.
ll faisait peu de mal, parce quTil faisait peu de bien; il
cominettait peu de fautes, parce qu’il n’avait pas cette
chaleur de sentiment et cette hardiesse d'esprit qui pous-
sent à tenter de grandes choses. ll avait l’esprit sûr et
judicieux dans sa sphère, mais sans finesse et sans profon-
deur; le goût des détails, une assez longue expérience des
choses du monde, la mémoire prompte, fidèle, et un coup
d'œil assez vif, mais au delà duquel il ne voyait plus. Ac-
coutumé à la clarté de ses propres idées, il ne démélait
qu'avec peine ce qui était fin et enveloppé, et l’on était _
étonné qu’un homme qui concevait et s'exprimait si nette-
ment, ne pût guère aller plus loin que sa première idée et
sa premiere vue. incapable de se passionner dans les affai-
res, il conservait toujours une humeur libre qui se prétait,
sans ell'ort, aux ditférents devoirs de son ministère; il avait
toujours la possession de son esprit et de son jugement; la
• Voici encore une des meilleures pages de Vauvenargues. Le lecteur con-
mmporsin n’aurs qu‘s consulter ses souvenirs, ou A regarder autour de lui,
pour s'sssurer que le type de ce portrait ai fin et si vrai n‘esI pas perdu - G.
. \
Page:Œuvres de Vauvenargues (1857).djvu/385
Apparence
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SUR QUELQUES CARACTÈRES.