Page:Œuvres de Vauvenargues (1857).djvu/400

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340 ESSAI « thage tant de marchands, à Athènes tant d’orateurs, il « Lacédémone tant de guerriers; changez avec moi le notre, « et tout sera changé. Si vous osez me croire, nous forme- « rons sur les mines de l’ancienne Rome un État nouveau, « propre a faire de grands citoyens dans tous les genres, « favorable à tous les plaisirs, secourable a toutes les ver- « tus, et surtout indulgent à toutes les passions. Quelle « vaine prudence pourrait donc arreter vos desseins et vos « courages? Craind riez-vous de troublerla paix de la patrie? « Quelle paix, qui énerve les cœurs, et qui avilit les ames « dans un misérable esclavage! Estimez-vous tant le repos'! « et la guerre est—elle plus onéreuse que la servitude 'l' • Ainsi Clodius met tout en feu par ses discours séditieux, et cause de si grands désordres dans la république, qu'on ne peut y remédier que par sa perte ’. ll3. — ELES cnANos’.] [Les grands remarquent a peine la misère, les mœurs, les talents, les vertus et les vices des autres hommes; ils • Vauvenargues dit de même dans sa 2l' Maxime: · La guerre n'est pas s si onéreuse que la servitude. » - G. . • Voila encore une de ces chimère: doux re repaiasail Cléon (t·0ir,plus haut, page MO). Cc morceau, écrit vers i7l'r0, est plein de singuliers preesentiments; lavoia de la |\évolutiou,qui devait éclaterclnquante ans apres, et que rien n’an~ nonçait encore, y grondedéja sourdement. M. Sainte—Beuve, devançant les an- nées, et voulant, par hypothèse, marquer la place probable de Vauvenargues dans la Révolution, l'a mis A coté d’Andre (Qhénier; nous croyontquc cette pqe, presque entièrement inédite, ajoutera L la pensée de |'éminent critique; il y u ici tel mot qui dépasse de bien loin André Chénier, et qui va presque jusqu's Saiutdust. Reconnaissons, d’silleurs, que le discours de Cledius ut plein de force et d'acceut. Vauvenargues ne pouvait lire Tite-Live et Salluste dans leur langue; le ne sais s'il les avait lus dans quelque traduction; mais on peut dire hardiment que, dans cette harangue, il n'œt pas loin ¢l‘eux. - G. · ‘ Cette piece et les trois qui suivent sont d‘uue couleur plus générale, et montrent que Vauvenargues avait la noble curiosité et le coup d’œil étendu des œprlts supérleun. On remarquera avec quel détachement philosophique le marquis de Vauvenargues parle des gens de qualité, dans un temps ou les no- bles ne faisaient pas encore bon marché de leur noblesse. On remarquera aussi les nuances ditférentes du trois premiers morceaux: Vauvenargues est sévère pour les grands, impitoyable pour les bourgeois; mais quand il arrive L la peinture de ces hommes déclaasés, qui sont le rebut des soclétà, et dont, a ce moment·la, lui seul peut-étre s’inquiétalt, ou sent que son cœur est ému d'une pitié profonde, en mème temps que son esprit est saisi de tristesse et d'éton- nement.- G.