et, plus on voudra les pousser au delà des notions communes, plus on les mettra en péril de se tromper.
271. Il n’arrive jamais que la littérature et l’esprit de raisonnement deviennent le partage de toute une nation, qu’on ne voie aussitôt, dans la philosophie et dans les beaux-arts, ce qu’on remarque dans les gouvernements populaires, où il n’y a point de puérilités et de fantaisies qui ne se produisent, et ne trouvent des partisans[1].
272. L’erreur, ajoutée à la vérité, ne l’augmente point[2] : ce n’est pas étendre la carrière des arts, que d’admettre de mauvais genres ; c’est gâter le goût ; c’est corrompre le jugement des hommes, qui se laisse aisément séduire par les nouveautés, et qui, mêlant ensuite le vrai et le faux, se détourne bientôt, dans ses productions, de l’imitation de la nature, et s’appauvrit ainsi en peu de temps par la vaine ambition d’imaginer, et de s’écarter des anciens modèles.
273. Ce que nous appelons une pensée brillante, n’est ordinairement qu’une expression captieuse, qui à l’aide d’un peu de vérité, nous impose une erreur qui nous étonne.
274. Qui a le plus a, dit-on, le moins : cela est faux. Le
- ↑ Var. : « Toutes les fois que la littérature et l’esprit de raisonnement deviendront le partage de toute une nation, il arrivera, connue dans les États populaires, qu’il n’y mira point de puérilités et de sottises qui ne se produisent, et ne trouvent des partisans, » — Autre Var. : « Lorsque les réflexions se multiplient, les erreurs et les connaissances augmentent dans la même proportion. » — Autre Var. : « Ceux qui viendront après nous sauront peut-être plus que nous, et ils s’en croiront plus d’esprit ; mais seront-ils plus heureux ou plus sages ? Nous-mêmes, qui savons beaucoup, sommes-nous meilleurs que nos pères, qui savaient si peu ? » — Autre Var. : « Il arrivera peut-être que la raison humaine se perfectionnera encore beaucoup, et que ce que nous savons ne sera plus rien ; mais ceux qui pourront nous passer dans les routes que nous leur ouvrons, et qui s’en croiront plus d’esprit, n’en vaudront pas mieux par le cœur. »
- ↑ Var. : « Au contraire. Ce n’est pas non plus étendre les limites des arts que d’admettre les mauvais genres ; c’est gâter le goût. Il faut détromper les hommes des faux plaisirs, pour les faire jouir des véritables ; et, quand même on supposerait qu’il n’y a point de faux plaisirs, toujours serait-il raisonnable de combattre ceux qui sont dépravés et méprisables, car on ne peut nier qu’il y en ait de tels. »