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ET MAXIMES.

306. C’est à notre cœur à régler le rang de nos intérêts, et à notre raison de les conduire[1].

307. La médiocrité d’esprit et la paresse font plus de philosophes que la réflexion.

308. Nul n’est ambitieux par raison, ni vicieux par défaut d’esprit[2].

309. Tous les hommes sont clairvoyants sur leurs intérêts ; et il n’arrive guère qu’on les en détache par la ruse. On a admiré dans les négociations la supériorité de la maison d’Autriche, mais pendant l’énorme puissance de cette famille, non après. Les traités les mieux ménagés ne sont que la loi du plus fort[3].

310. Le commerce est l’école de la tromperie.

311. À voir comme en usent les hommes, on serait porté quelquefois à penser que la vie humaine et les affaires du monde sont un jeu sérieux, où toutes les finesses sont permises pour usurper le bien d’autrui à nos périls et fortunes, et où l’heureux dépouille en tout honneur, le plus malheureux ou le moins habile[4].

312. C’est un grand spectacle de considérer les hommes méditant en secret de s’entre-nuire, et forcés, néanmoins, de s’entr’aider, contre leur inclination et leur dessein.

313. Nous n’avons ni la force ni les occasions d’exécuter tout le bien et tout le mal que nous projetons.

  1. [Mauvais. — V.]
  2. La 1re édition ajoutait : Ni sage par choix, et Voltaire demandait : pourquoi donc ? — G.
  3. [Bien. — V.] — Dans la 1re édition, les trois pensées de cette Maxime étaient séparées ; leur liaison n’est peut-être pas assez étroite ; cependant, la seconde est la confirmation de la première, et la dernière, la conclusion. Pour prouver l’impuissance de la ruse, Vauvenargues cite la maison d’Autriche, dont la supériorité diplomatique n’a duré qu’autant qu’a duré sa supériorité militaire, et il en conclut qu’en dépit des négociateurs, c’est la force qui traite. — G.
  4. Var. : « Notre vie ressemble à un jeu où toutes, » etc. — [Bien. — V.]