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RÉFLEXIONS

du peuple, et César, qui, probablement, ne croyait pas aux aruspices, ne laissa pas d’en faire un traité[1].

326. Lorsqu’on rapporte sans partialité les raisons des sectes opposées, et qu’on ne s’attache à aucune, il semble qu’on s’élève en quelque sorte au-dessus de tous les partis. Demandez cependant à ces philosophes neutres, qu’ils choisissent une opinion, ou qu’ils établissent d’eux-mêmes quelque chose ; vous verrez qu’ils n’y sont pas moins embarrassés que tous les autres. Le monde est peuplé d’esprits froids, qui, n’étant pas capables par eux-mêmes d’inventer, s’en consolent en rejetant toutes les inventions d’autrui, et qui, méprisant au dehors beaucoup de choses, croient se faire plus estimer[2].

327. Qui sont ceux qui prétendent que le monde est devenu vieux ? je les crois sans peine. L’ambition, la gloire, l’amour, en un mot, toutes les passions des premiers âges, ne font plus les mêmes désordres et le même bruit. Ce n’est pas peut-être que ces passions soient aujourd’hui moins vives qu’autrefois ; mais c’est qu’on les désavoue et qu’on les combat. Je dis donc que le monde est comme un vieillard qui conserve tous les désirs de la jeunesse, mais qui en est honteux, et s’en cache, soit parce qu’il est détrompé du mérite de beaucoup de choses, soit parce qu’il veut le paraître.

328. Les hommes dissimulent par faiblesse, et par la crainte d’être méprisés, leurs plus chères, leurs plus constantes, et quelquefois leurs plus vertueuses inclinations[3].

329. L’art de plaire est l’art de tromper[4].

  1. Rapprochez de la 318e Maxime, page 399. — G.
  2. Var. : « Le monde fourmille de philosophes qui se disputent la vaine gloire de connaître la faiblesse de l’esprit humain ; mais il y en a peu qui distinguent les bornes précises de cette faiblesse, et qui sachent en tirer des conséquences ; ils fardent à l’envi la vérité, qui n’est pas leur but, et nul ne donne des préceptes utiles. »
  3. Voir, page 452, la Maxime 560e, qui n’est que le développement de celle-ci. — G.
  4. [À examiner. — V.]