sulter à un homme dans l’ignominie, s’il est, d’ailleurs, misérable ; il n’y a point d’infamie dont la misère ne fasse un objet de pitié pour les âmes tendres.
388. [Il y a des hommes en qui l’infamie est plutôt un malheur qu’un vice ; l’opprobre est une loi de la pauvreté.]
389. [La honte et l’adversité sont, en quelque sorte, enchaînées l’une à l’autre ; la pauvreté fait plus d’opprobres que le vice.]
390. [La pauvreté humilie les hommes, jusqu’a les faire rougir de leurs vertus.]
391. [Le vice n’exclut pas toujours la vertu dans un même sujet ; il ne faut pas surtout croire aisément que ce qui est aimable encore, soit vicieux ; il faut, dans ce cas, s’en fier plus au mouvement du cœur qui nous attire, qu’à la raison qui nous détourne[1].]
392. J’ai la sévérité en horreur, et ne la crois pas trop utile. Les Romains étaient-ils sévères ? N’exila-t-on pas Cicéron, pour avoir fait mourir Lentulus, manifestement convaincu de trahison[2] ? Le Sénat ne fit-il pas grâce à tous les autres complices de Catilina ? Ainsi se gouvernait le plus puissant et le plus redoutable peuple de la terre ; et nous, petit peuple barbare, nous croyons qu’il n’y a jamais assez de gibets et de supplices[3] !
393. Quelle affreuse vertu que celle qui veut haïr et être haïe, qui rend la sagesse, non pas secourable aux infirmes, mais redoutable aux faibles et aux malheureux ; une vertu qui, présumant follement de soi-même, ignore que tous les
- ↑ Voyez les Maximes 122e et 287e. — G.
- ↑ Var. : [« Que de formalités pour faire mourir un Romain ! Combien de gens furent convaincus d’avoir trempé dans la conjuration de Catilina. Cependant, de tout de complices, le sénat ne punit que Lentulus. »]
- ↑ Rapprochez de la 38e Réflexion (sur la Tolérance), page 96. — G.