Page:Œuvres de Vauvenargues (1857).djvu/522

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qu’on l’y pousse ; mais une âme forte ne manifeste point sa hauteur, qu’elle n’y soit contrainte[1].]

673. [Les fautes de détail sont fautes de jugement : par exemple, lorsque, dans un poème dramatique, les personnages disent ce qu’ils devraient taire, lorsqu’ils ne soutiennent point leur caractère, ou l’avilissent par des discours bas, ou longs, ou inutiles, toutes ces fautes sont contre le jugement. Qu’un auteur fasse un plan judicieux, mais qu’il pèche dans le détail, il ne va pas moins contre la justesse, que celui qui réussit dans le détail, mais qui s’est trompé dans le plan.]

674. [Quand les détails sont faibles dans une tragédie, l’attention des spectateurs se relâche nécessairement, et leur esprit se refroidit si fort, que, s’il vient ensuite une grande beauté, elle ne les trouve plus préparés, et manque son impression. Si l’on arrivait au théâtre pour le 5e acte d’une tragédie, serait-on aussi touché de la catastrophe, que si l’on eût écouté attentivement toute la pièce, et que si l’on fût entré dans les intérêts des personnages ?]

675. [S’il pouvait y avoir une république sage, ce devrait être, ce semble, la république des lettres, puisqu’elle n’est composée que de gens d’esprit ; mais qui dit une république, dit peut-être un état mal gouverné ; ce qui fait aussi, je crois, qu’on y rencontre des vertus d’un caractère plus haut ; car les hommes ne font jamais de si grandes choses, que lorsqu’ils peuvent faire impunément bien des sottises.]

676. [L’ambition est habileté, le courage est sagesse, les passions sont esprit, l’esprit est science, ou c’est tout le contraire ; car il n’y a rien qui ne puisse être bon ou mauvais, utile ou nuisible, selon l’occasion et les circonstances.]

  1. La même pensée se retrouve dans les Réflexions sur Corneille. — Voir page 246. — G.