Page:Œuvres de Vauvenargues (1857).djvu/79

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
25
DE L’ESPRIT HUMAIN.


bre, allumé ; le sérieux d’une âme abattue donne un extérieur languissant.

Le sérieux d’un homme stérile paraît froid, lâche et oisif ; le sérieux de la gravité prend un air concerté comme elle ; le sérieux de la distraction porte des dehors singuliers ; le sérieux d’un homme timide n’a presque jamais de maintien.

Personne ne rejette en gros ces vérités ; mais, faute de principes bien liés et bien conçus, la plupart des hommes sont, dans le détail et dans les applications particulières, opposés les uns aux autres et à eux-mêmes ; ils font voir la nécessité indispensable de bien manier les principes les plus familiers, et de les mettre tous ensemble sous un point de vue qui en découvre la fécondité et la liaison.

18. — Du Sang-Froid.

Nous prenons quelquefois pour le sang-froid une passion sérieuse et concentrée, qui fixe toutes les pensées d’un esprit ardent et le rend insensible aux autres choses.

Le véritable sang-froid vient d’un sang doux, tempéré, et peu fertile en esprits. S’il coule avec trop de lenteur, il peut rendre l’esprit pesant ; mais lorsqu’il est reçu par des organes faciles et bien conformés, la justesse, la réflexion et une singularité aimable souvent l’accompagnent ; nul esprit n’est plus désirable.

On parle encore d’un autre sang-froid que donne la force d’esprit, soutenue par l’expérience et de longues réflexions ; sans doute c’est là le plus rare.

19. — De la Présence d’esprit.

La présence d’esprit se pourrait définir une aptitude à profiter des occasions pour parler ou pour agir. C’est un avantage qui a manqué souvent aux hommes les plus éclairés, qui demande un esprit facile, un sang-froid modéré, l’usage des affaires, et, selon les différentes occurrences, divers

    comme partout où Vauvenargues abandonne la philosophie pure pour l’observation des caractères, le moraliste supérieur se déclare. — G.