Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/31

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ce sera, indépendamment du degré de talent, l’inspiration romaine profonde et l’à-propos national. N’oublions jamais cela.

Auguste, et la chose romaine prise au point de vue d’Auguste d’une part, de l’autre Homère et ses deux immortels poëmes, telles sont les grandes sources qu’il importe de bien posséder tout entières, et sur lesquelles la critique a, pour ainsi dire, à s’établir à demeure pour bien comprendre l’Énéide ; car c’est là que le poëte s’est inspiré tour à tour ou à la fois, c’est ce qu’il a combiné dans un art profond. Le but de Virgile dans l’Énéide, nous le savons positivement par les interprètes latins eux-mêmes, a été de faire un grand poëme romain, de doter sa patrie d’une vraie épopée : imiter Homère et louer Auguste dans ses ancêtres, grande œuvre poétique et politique ! Il y a admirablement réussi.

Cependant une explication ici, une précaution est nécessaire. En insistant, comme je le fais, sur l’influence d’Auguste et sur l’importance dont il est dans l’épopée de Virgile, je suis loin d’admettre, et à aucun degré, le système ingénieux, mais faux et froid, que je vois soutenu par un savant auteur d’une Histoire de la littérature latine (Dunlop). Dans ce système, Énée ne serait qu’un type idéal, mais rigoureusement ressemblant, d’Auguste ; pieux envers son père, comme Auguste envers César ; comparé à Apollon pour la beauté, comme Auguste aimait à l’être ; descendant aux Enfers selon les degrés de l’initiation, de même qu’Auguste, dans son séjour à Athènes, voulut être initié aux mystères d’Éleusis ; combattant Turnus, Latinus, Amate, comme Auguste, au temps du siége de Pérouse, combattit Antoine et le frère d’Antoine, et Fulvie ; fuyant Didon et en triomphant, comme Auguste triompha de Cléopâtre ; que sais-je encore ? — Turnus, c’est Antoine, dit résolument Dunlop. — Évandre, le vieil ami d’Anchise et l’allié d’Énée, représente les vieux Césariens qui prennent parti pour Auguste contre Antoine. — Achate est Agrippa ; Lavinia,