Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/70

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MÉLIBÉE.

Je ne suis point jaloux de ton bonheur ; mais il m’étonne : tant de troubles agitent nos campagnes ! Moi-même, faible et malade, j’emmène mes chèvres loin de ces lieux ; en voici une, Tityre, qui a peine à me suivre. Ici, parmi ces épais coudriers, elle vient de mettre bas et de laisser, hélas ! sur une roche nue deux jumeaux, l’espoir de mon troupeau. Ce malheur, si mon esprit n’eût été aveuglé, souvent, je m’en souviens, les chênes frappés de la foudre me l’annoncèrent ; souvent, du creux de l’yeuse, la corneille sinistre me l’a prédit. Mais enfin ce dieu, quel est-il, Tityre, dis-le-moi ?

TITYRE.

La ville qu’on appelle Rome, ô Mélibée, je la croyais, dans ma simplicité, semblable à la ville voisine, où nous avons coutume, nous autres bergers, de conduire nos tendres agneaux. Ainsi je voyais les jeunes chiens ressembler à leurs pères, les chevreaux à leurs mères ; ainsi aux petites choses je comparais les grandes. Mais Rome élève autant la tête parmi les autres villes que les cyprès parmi les viornes flexibles.

MÉLIBÉE.

Et quel motif si puissant te conduisait à Rome ?