Page:Œuvres de Virgile (éd. Panckoucke, 1859).pdf/91

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

MOPSUS.

Berger, n’en dis pas davantage ; nous voici dans la grotte.

Daphnis n’était plus ; les nymphes pleuraient sa mort cruelle. Coudriers, et vous, fleuves, vous fûtes témoins de la douleur des nymphes, lorsque, serrant entre ses bras les déplorables restes de son fils, une mère reprochait aux astres et aux dieux leur cruauté. En ces jours de deuil, nul berger, ô Daphnis ! ne guida, au sortir du pâturage, ses taureaux vers les fraîches fontaines ; nul troupeau n’effleura l’eau du fleuve, nul l’herbe des prairies. Daphnis, les lions d’Afrique eux-mêmes gémirent de ta mort : les forêts, les montagnes sauvages redisent encore leurs cris de douleur. Daphnis nous apprit à soumettre au joug les tigres d’Arménie ; Daphnis, le premier, conduisit, en l’honneur de Bacchus, des danses sacrées, et enlaça d’un tendre feuillage le thyrse flexible. La vigne embellit les arbres, le raisin la vigne, le taureau un troupeau nombreux, les moissons une fertile campagne ; ainsi, Daphnis, tu fus la gloire des tiens. Depuis que tu nous as été ravi, Palès, Apollon lui-même, ont déserté nos campagnes. Dans ces sillons, auxquels nous avons tant de fois confié nos semences les plus belles, dominent la triste ivraie et l’avoine stérile. Plus de douces violettes, plus de narcisses pourprés : par-