Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/52

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peu analogues à la pauvreté de son habitation : néanmoins elle les recevait avec un air d’aisance et de calme qui prouvait qu’elle se croyait des droits à cette déférence. Elle avait été belle ; mais sa beauté avait eu ce caractère grand et mâle qui ne survit point à la fraîcheur de la jeunesse ; toutefois ses traits annonçaient encore un jugement profond, une habitude de réflexion, et une fierté mesurée, qui, comme nous l’avons dit en parlant de ses vêtements, donnait à penser qu’elle se croyait supérieure aux personnes de son rang. On concevait difficilement comment un visage privé du bienfait de la vue pouvait exprimer d’une manière aussi forte le caractère de la personne ; mais ses yeux, qui étaient presque totalement fermés, ne présentaient point cet aspect désagréable de deux orbites inanimés, qui altère la physionomie sans pouvoir y rien ajouter. Elle paraissait être dans une attitude de méditation, due peut-être au murmure des abeilles qui voltigeaient autour d’elle, et qui lui procurait une sorte d’oubli, mais non un assoupissement.

Lucy leva le loquet de la petite porte du jardin, et excita l’attention de la vieille femme : « Alix, dit-elle, mon père vient vous voir. — Il est le bienvenu, miss Ashton, et vous aussi, » dit la vieille femme en se tournant et s’inclinant du côté des personnes qui venaient la visiter.

« Voici une belle matinée pour vos ruches, la mère, » dit le lord Keeper, qui, frappé de l’extérieur d’Alix, était curieux de savoir si sa conversation y répondrait.

« C’est ce que je pense, milord, répondit-elle ; je sens que l’air est plus doux qu’il ne l’a été depuis quelque temps. — Vous ne prenez sans doute pas soin vous-même de ces abeilles, la mère ? reprit, l’homme d’état ; comment les gouvernez-vous ? — Par des délégués, comme les rois gouvernent leurs sujets, répondit Alix, et je suis heureuse dans le choix de mon premier ministre. Babie, où es-tu ?»

Elle appela au moyen d’un petit sifflet d’argent suspendu à son cou, instrument dont à cette époque on se servait quelquefois pour faire venir les domestiques, et Babie, jeune fille de quinze ans, sortit de la chaumière, non pas tout à fait aussi bien vêtue qu’elle l’aurait probablement été si Alix avait eu l’usage de ses yeux, mais néanmoins avec une plus grande propreté qu’on ne devait s’y attendre.

« Babie, lui dit sa maîtresse, offrez du pain et du miel au lord