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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 1, 1838.djvu/10

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INTRODUCTION




La route était longue, le vent était froid, le ménestrel était infirme et vieux ; ses joues flétries et ses cheveux blancs semblaient avoir connu de meilleurs jours ; sa harpe, seule joie qui lui restât au monde, était portée par un orphelin. On voyait en lui le dernier des bardes qui eussent chanté la chevalerie, telle qu’elle existait sur les frontières. Car hélas ! leur temps était passé, la mort avait éteint les voix mélodieuses de tous ses compagnons, et lui, négligé et opprimé, désirait trouver bientôt près d’eux la tombe et le repos. Il n’était plus le temps où, monté sur un généreux palefroi, aussi gai que l’alouette au retour animé du matin, il faisait retentir les airs de ses joyeux refrains ; ils avaient fui sans retour ces jours où, accueilli et placé avec honneur dans la salle du festin, il charmait les oreilles des barons et des nobles dames aux accents improvisés de son lai ; les temps étaient changés ; les anciennes mœurs avaient disparu ; un étranger était assis sur le trône des Stuarts ; les fanatiques de ce siècle de fer regardaient son art innocent comme un crime. Errant maintenant, pauvre et méprisé, il tendait la main de porte en porte, et faisait entendre, pour capter l’oreille d’un paysan, cette harpe dont un roi avait chéri les accords.

Il passait près du lieu où la tour majestueuse de Newark s’élève au milieu des bouleaux qui ombragent l’Yarrow : le ménestrel s’arrêta pour regarder d’un œil de convoitise. Nulle demeure plus humble ne s’offrait à ses regards dans le voisinage. Enfin, d’un pas timide, il se hasarda à franchir la voûte du portail, dont la lourde grille et l’énorme barre avaient souvent refoulé les flots des escadrons ennemis, mais n’avaient jamais opposé leur barrière