Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/148

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« Vous ferez bien d’y mettre de la prudence, » continua-t-il d’un ton qu’il voulait rendre conciliant, « et de ne pas vous nuire à vous-même. On dit ici dans le château que la nièce de lady Marguerite doit épouser incessamment notre jeune capitaine, lord Evandale. Je les ai vus se parler de près tout à l’heure dans la salle là-bas, et j’ai entendu qu’elle le priait d’intercéder pour votre pardon. Elle était si belle, et elle le regardait avec tant de bonté que, sur mon âme… Mais que diable avez-vous ?… Vous voilà aussi blanc qu’un linge… voulez-vous un peu d’eau-de-vie ? — Miss Bellenden demandait ma vie à lord Evandale ? » dit faiblement le prisonnier. — Oui, oui ; il n’y a pas de meilleure protection que celle des femmes… elles enlèvent tout, dans les cours comme dans les camps… Allons, vous m’avez l’air plus raisonnable maintenant… Parbleu, je savais bien que vous en viendriez là. »

Il se mit en devoir de lui mettre les fers, et Morton, anéanti par cette nouvelle, ne fit plus la moindre résistance.

« On lui demande ma vie et c’est elle !… Oui, oui, mettez-moi ces fers… mes membres souffriront moins de leur poids que mon cœur ne souffre du coup qui vient de le frapper. Ma vie demandée par Édith… et à lord Evandale ! — Oui, et il a bien le pouvoir de l’obtenir, dit Bothwell ; il fait ce qu’il veut du colonel, plus qu’aucun homme du régiment.

En parlant ainsi, lui et son parti conduisirent leur prisonnier vers la salle. En passant derrière la chaise d’Édith, l’infortuné crut en entendre assez pour confirmer tout ce que le soldat lui avait dit. Cet instant produisit en lui une révolution subite et étrange. L’état désespéré de son amour et de sa fortune, le péril où paraissait être sa vie, le changement dans les affections d’Édith, son intercession en sa faveur, qui rendait son inconstance encore plus insupportable, tout semblait détruire les sentiments qui seuls jusqu’à présent lui avaient fait aimer la vie ; mais alors il s’éveillait à d’autres sensations, qui avaient jusqu’ici été étouffées par des passions plus douces, quoique plus égoïstes. Exaspéré lui-même, il se décida à défendre les droits de son pays, offensés dans sa personne. Son caractère changea avec autant de promptitude et d’efficacité que le ferait une maison de plaisance qui, après avoir été le séjour du bonheur et de la tranquillité domestique, se convertit tout à coup, par l’usurpation d’une force armée, en un poste formidable de défense.

Nous avons déjà dit qu’il jeta sur Édith un regard où le repro-