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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/234

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un château que nous croyons assez fort pour notre propre défense ? — Lord Evandale ne doit pas y songer, dit lady Marguerite ; je panserai moi-même ses blessures ; c’est tout ce que peut faire une vieille femme en temps de guerre. Mais quitter le château de Tillietudlem quand l’épée de l’ennemi est tirée contre lui… je ne le permettrais pas au dernier des soldats qui aient jamais endossé l’uniforme du roi, à plus forte raison à lord Evandale. Ce n’est point ma maison qui doit souffrir un tel déshonneur ; la tour de Tillietudlem a été trop honorée de la visite de Sa très-sainte… »

Ici elle fut interrompue par l’arrivée du major.

« Nous avons fait un prisonnier, mon cher oncle, dit Édith, un prisonnier blessé, et il va nous échapper ; il faut que vous nous aidiez à le retenir de force. — Lord Evandale ! s’écria le vieux soldat ; ah ! j’éprouve autant de plaisir que quand j’obtins mon premier grade ; Claverhouse nous avait dit que vous étiez mort, ou à peu près. — J’eusse péri en effet sans un de vos amis, » dit lord Evandale avec quelque émotion et en baissant les yeux, comme pour éviter de voir l’impression que ferait sur miss Bellenden ce qu’il allait dire. « J’étais démonté et sans défense, et l’épée était déjà levée sur moi, quand le jeune Morton, le prisonnier en faveur duquel vous vous êtes vous-même intéressé hier, est intervenu de la manière la plus généreuse, m’a sauvé la vie et donné les moyens de m’échapper. »

En finissant cette phrase, une pénible curiosité triompha de sa première résolution ; il leva les yeux vers Édith, et crut lire dans l’éclat de ses joues et dans le feu de ses regards qu’elle apprenait avec joie que son amant était vivant et libre, et s’était montré reconnaissant de l’intérêt qu’on lui avait montré. Tels étaient en effet ses sentiments ; mais ils étaient aussi mêlés d’admiration pour la franchise avec laquelle lord Evandale s’empressait de rendre hommage au mérite de son heureux rival, et d’avouer un service que, selon toute probabilité, il eût mieux aimé devoir à tout autre.

Le major Bellenden, qui n’eût jamais remarqué les émotions des deux amants, quand bien même elles eussent été beaucoup plus évidentes, se contenta de dire : « Puisque Henri Morton a quelque autorité sur cette race odieuse, je me réjouis qu’il en ait usé ainsi ; mais j’espère qu’il quittera leur bande aussitôt qu’il le pourra. Oui, oui, je n’en puis douter ; je connais ses principes, je sais qu’il déteste leur saint jargon et leur hypocrisie ; je l’ai