Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/235

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mille fois entendu rire de la pédanterie de ce vieux coquin de ministre presbytérien, Poundtext, qui, après avoir joui pendant tant d’années de l’indulgence du gouvernement, vient de reprendre ses véritables couleurs dès la première occasion, et d’aller avec les trois quarts de ses paroissiens, qu’il a endoctrinés, rejoindre l’armée des fanatiques. Mais comment vous êtes-vous échappé, milord, après avoir quitté le champ de bataille ? — En me sauvant au plus vite, comme eût fait un lâche chevalier, » répondit lord Evandale en souriant. « J’ai pris la route sur laquelle je croyais devoir rencontrer moins d’ennemis, et vous ne devineriez jamais où j’ai trouvé un asile pendant plusieurs heures ? — Au château de Bracklan peut-être, dit lady Marguerite, ou dans la maison de quelque autre loyal gentilhomme ? — Non, madame ; j’ai été repoussé sous divers prétextes de plus d’une maison de ce genre, parce qu’on craignait que l’ennemi ne vînt m’y chercher. Mais j’ai trouvé un abri dans la cabane d’une pauvre veuve dont le mari a été fusillé, il y a moins de trois mois, par un détachement de notre régiment, et dont deux fils sont en ce moment dans les rangs des insurgés. — Est-il possible ? dit lady Bellenden ; une femme fanatique a été capable d’une telle générosité ! Mais elle ne partage pas, je le suppose, les opinions de sa famille. — Loin de là, madame, continua le noble jeune homme ; elle est rigidement attachée aux principes de sa secte ; mais elle n’a vu que mon danger et ma détresse, et n’a consulté que les sentiments de l’humanité, oubliant que j’étais un Cavalier et un soldat. Elle a pansé mes blessures, m’a fait reposer sur son lit, m’a dérobé à une bande d’insurgés qui poursuivaient les fuyards, m’a donné à manger, et ne m’a pas permis de quitter mon asile avant d’être assurée que j’arriverais sans danger à ce château. — C’est une noble action, dit miss Bellenden, et je suis sûre que vous trouverez l’occasion de récompenser une telle générosité. — Oui, miss Bellenden, répliqua lord Evandale, j’ai pendant ce temps de malheur contracté des dettes de toutes parts pour des services qu’on m’a rendus. Mais quand je pourrai montrer ma reconnaissance, la bonne volonté ne me manquera pas. »

Tous se réunirent alors pour supplier lord Evandale de ne plus songer à quitter le château ; mais l’argument du major Bellenden fut le plus fort.

« Votre présence dans le château sera, sinon absolument nécessaire, du moins très-utile, milord, pour maintenir la disci-