Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/29

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car, comme il arrive d’ordinaire en de telles occasions, les consciences qui n’étaient d’abord que scrupuleuses, loin de céder aux menaces de l’autorité, devinrent inébranlables dans leurs principes ; et la jeunesse des deux sexes, pour qui le flageolet et le tambourin en Angleterre, ou la cornemuse en Écosse, auraient eu un attrait irrésistible, était d’autant plus portée à braver les ordres donnés, qu’elle savait qu’en agissant ainsi elle résistait aux ordres du conseil. Recourir à la force pour obliger les hommes à danser et à se réjouir est un moyen qui a rarement réussi, même à bord des négriers[1], où il était quelquefois employé pour engager ces malheureux captifs à agiter leurs membres et à rétablir la circulation pendant le court espace de temps qu’on leur permettait de rester sur le pont pour y respirer l’air à loisir. L’austérité des rigides calvinistes s’accroissait en proportion du désir qu’avait le gouvernement de la comprimer. Ce qui distinguait ceux d’entre eux qui professaient une extrême rigidité, c’était l’observance judaïque du dimanche, condamnation sévère des exercices mâles et des récréations innocentes, aussi bien que de la coutume profane des danses mêlées, c’est-à-dire des hommes et des femmes dansant ensemble dans une même réunion ; car je crois qu’ils considéraient cet exercice comme innocent lorsque les deux sexes s’y livraient séparément. Ils décourageaient, autant qu’il était en leur pouvoir, même les anciennes wappen schaws[2], comme on les appelait, lorsque le ban féodal du comté était convoqué, et que chaque vassal de la couronne était obligé en vertu de son fief, sous peine de très-fortes amendes, de paraître avec un certain nombre d’hommes armés. Les presbytériens voyaient avec peine ces assemblées, parce que les lords lieutenants et les shérifs qui les commandaient avaient reçu ordre du gouvernement de n’épargner aucune peine pour les rendre agréables aux jeunes gens ainsi réunis. On supposait que les exercices militaires du matin, et les jeux qui terminaient ordinairement la soirée, produiraient naturellement sur leur esprit un effet attrayant.

En conséquence les prédicateurs et les prosélytes les plus rigides employaient les remontrances et l’autorité de la parole pour diminuer le nombre de ceux qui assistaient à ces assemblées, persuadés qu’en agissant ainsi ils affaiblissaient non seulement la

  1. Navires qui font la traite des nègres. a. m.
  2. Mot écossais désignant une revue de troupes. a. m.