Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/30

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

force apparente, mais encore la force du gouvernement, puisqu’ils empêchaient l’extension de cet esprit de corps qui s’établit si promptement entre jeunes gens habitués à se réunir pour se livrer à des jeux d’adresse ou à des exercices militaires. Ces prédicateurs redoublaient d’instances auprès de ceux qui pouvaient alléguer quelque motif plausible d’absence, afin de les empêcher d’assister à ces rassemblements ; ils étaient sévères, surtout à l’égard de ceux de leurs auditeurs qui ne s’y rendaient que par un pur sentiment de curiosité, ou par le désir de prendre part aux divertissements et aux exercices. Cependant les membres de la noblesse qui partageaient leurs doctrines se trouvaient souvent dans l’impossibilité de s’y conformer. Les termes de la loi étaient impératifs, et le conseil privé, qui avait le pouvoir exécutif en Écosse, appliquait dans toute leur sévérité contre ceux qui ne paraissaient pas à l’époque voulue, les amendes portées par les statuts. Les propriétaires fonciers étaient donc obligés d’envoyer au rendez-vous leurs fils, leurs fermiers, leurs vassaux, d’après le nombre de chevaux, d’hommes et de lances auquel ils avaient été taxés ; et il arrivait souvent que, en dépit de l’ordre exprès qui leur était intimé de revenir immédiatement après la fin de la revue, les jeunes gens en armes ne pouvaient résister au plaisir de prendre part aux jeux qui la suivaient : peut-être était-ce aussi pour se dispenser d’assister aux prières lues dans les églises à cette occasion. Les parents étaient alors plongés dans une affliction profonde ; ils pensaient qu’une telle conduite était en abomination devant Dieu.

Dans la matinée du 5 mai 1679, époque à laquelle commence notre récit, le shériff du comté de Lanark avait convoqué le ban d’un district presque sauvage, connu sous le nom de Upper-Ward Clydesdale[1]. Le rassemblement avait lieu dans une plaine vaste et unie, non loin du bourg royal, dont le nom importe fort peu ici. La revue terminée et dûment constatée, les jeunes gens devaient, selon l’usage, se réunir et se livrer à des divertissements d’espèce différente, dont le principal était connu sous le nom de Popinjay ou Tir du Perroquet, ancien jeu dans lequel on n’employait autrefois que la flèche ; mais à l’époque dont nous parlons on faisait usage des armes à feu[2]. Ce perroquet postiche, revêtu de plumes

  1. Upper ward, partie supérieure, et Chydesdale, le vallon de la Clyde. a. m.
  2. La fête du Popinjay ou du Perroquet est encore, je crois, célébrée à Maybole, dans le comté d’Ayr. Le passage suivant, extrait de l’Histoire de la famille de So-