Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/71

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chose que quand elle pouvait produire quelque avantage : voilà ce qui complétait le grotesque extérieur de M. Morton de Milnwood. Comme c’eût été une méprise de la nature d’avoir confiné une âme noble et généreuse dans une si indigne demeure, elle avait gratifié sa personne d’un esprit parfaitement en harmonie avec elle, c’est-à-dire qu’elle y avait logé la bassesse, l’égoïsme et l’avarice.

Lorsque ce gracieux personnage, vit son neveu devant lui, il se hâta, avant de lui parler, d’avaler d’abord la cuillerée de gruau, qui toute pleine était déjà sur le bord de ses lèvres ; et comme elle était brûlante, la douleur qu’elle lui occasionna en descendant de son gosier dans son estomac, enflamma davantage la mauvaise humeur avec laquelle il se préparait déjà à recevoir le jeune homme.

« Que le diable emporte ceux qui ont préparé ce gruau ! » furent les premières paroles qu’il jeta à la tête de son parent en apostrophant le plat qui était devant lui. — Ce potage est excellent, dit Mistress Wilson, si vous vouliez prendre le temps de le souffler. Je l’ai préparé de mes propres mains, oui de mes propres mains ; mais quand les mets sont brûlants et qu’on ne veut pas attendre, il faudrait avoir la gorge pavée. — Laissez-nous la paix, Alison : c’est à mon neveu que je veux parler. — Eh bien, monsieur ! quelle conduite tenez-vous ? Il était minuit quand vous êtes rentré hier à la maison. — Environ, monsieur, » répondit Morton avec un ton indifférent. — Environ, monsieur ! et quelle est cette manière de répondre ? Dites-moi pourquoi vous n’êtes pas rentré au logis avec tout le monde, quand la revue a été finie ? — Je pense que vous en connaissez parfaitement la raison, monsieur, dit Morton ; j’ai eu le bonheur d’être le plus adroit au tir ce jour-là, et, comme c’est l’usage, je suis resté pour offrir quelques rafraîchissements à mes jeunes camarades. — Que le diable soit de vous, monsieur ! et vous osez me dire cela en face ! Vous allez offrir des rafraîchissements, vous qui ne sauriez où aller dîner, si vous n’étiez chez moi ; moi qui peux à peine pourvoir à ma propre existence ! Mais puisque vous êtes à ma charge, il faut que votre travail me paye ces frais. Je ne vois pas pour quelle raison vous ne vous mettriez pas à la charrue, maintenant que le laboureur vient de nous quitter ; cela vaudrait beaucoup mieux assurément que de porter ces justaucorps verts, et de dissiper votre argent en poudre et en plomb. Vous auriez un métier honnête, vous mangeriez votre pain sans en être rede-