Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/72

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vable à personne. — Il me serait très agréable d’exercer ce métier, monsieur ; mais je ne sais pas conduire une charrue. — Et pourquoi non ? c’est un métier cent fois plus aisé que votre tir au fusil et à l’arc, pour lequel vous avez tant de passion. Le vieux Davie laboure à présent, et pendant deux au trois jours, l’aiguillon à la main, vous pourriez exciter les bœufs, en prenant soin toutefois de ne pas trop les hâter, et puis après il vous sera aisé de vous mettre à l’œuvre entre les manches de la charrue. Vous n’apprendrez jamais si jeune, je vous en réponds : notre terre d’Haggis-Holm est difficile à remuer, et Davie se fait trop vieux pour tenir longtemps le contre. — Je vous demande pardon de vous interrompre, monsieur ; mais j’ai moi-même formé un projet qui vous mettra à même de vous délivrer d’un parent qui vous est à charge. — Ah ! en vérité, vous avez formé un projet ? Il doit être beau ! » dit l’oncle avec un ricanement moqueur : « et quel est-il jeune homme ?

— Je vais vous l’expliquer en deux mots, monsieur : je suis dans l’intention de quitter ce pays et de servir à l’étranger, comme fit mon père avant les malheureuses dissensions qui déchirèrent le sein de la patrie. Son nom n’est point sans doute tellement oublié dans les pays où il a servi, qu’il ne puisse être de quelque utilité à son fils dans son apprentissage de soldat de fortune. — Ah ! que Dieu nous soit en aide ! s’écria la femme de charge ; notre bon jeune homme, M. Henri, s’en aller du pays ! Non, non ; oh, non ! cela ne peut pas être. »

Milnwood n’avait jamais eu la moindre pensée de laisser aller son neveu, qui dans bien des circonstances lui était utile ; il fut comme foudroyé de cette prompte déclaration d’indépendance de la part de quelqu’un qui tout à l’heure était sous son autorité : cependant il se remit aussitôt d’un tel coup.

« Et qui vous fournira les moyens, jeune homme, d’exécuter ce projet extravagant ? ce ne sera pas moi, vous pouvez en être certain. Vous êtes déjà une charge pour la maison, et, je le garantis, vous ferez comme fit votre père, vous vous marierez, et vous enverrez chez votre oncle une cohue d’enfants, se battant, criant dans ma maison pour tourmenter mes vieux jours, et qui après prendront comme vous leur volée dès qu’on les enverra à la ville.

— Jamais je n’eus l’idée de me marier, répliqua Henri. — Ah ! oui, écoutez-le donc ! dit la ménagère ; n’est-ce pas une honte d’entendre un tout jeune homme parler de cette façon ? Ne sait-on pas qu’il faut qu’il prenne femme, ou que pis lui arrive ? — Paix,