Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/99

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donne moi-même, dit la ménagère, ou bien que je voie aller tout au diable. Mon maître, » dit-elle en s’adressant à Bothwell, « ne peut songer à reprendre une chose qu’a tenue la main d’un gentilhomme aussi honorable que vous ; il vous prie de mettre cet argent dans votre poche, et de traiter son neveu aussi bien que vous le pourrez, et de faire un rapport favorable sur nos dispositions envers le gouvernement, afin que nous n’éprouvions aucun mal pour les discours insensés de cette vieille mégère (ici elle se tourna fièrement vers Mause, afin de se soulager de l’effort qu’elle avait fait avec tant de peine, pour prendre un air de douceur devant les soldats), une whig surannée, coureuse et folle, qui n’est dans la maison (le diable l’emporte !) que depuis hier après midi, et qui ne repassera jamais le seuil de la porte, si une bonne fois je réussis à l’en faire sortir. — Bon, bon, » chuchota Cuddie à sa mère, « bien parlé ; j’étais certain que nous serions obligés de recommencer nos voyages aussitôt que vous auriez pu prononcer trois mots ensemble ; j’étais sûr de ce résultat, ma mère. — Silence, mon enfant, dit-elle, ne murmurez pas contre cet accident, contre cette chance de passer leur porte : je ne la franchirai jamais  ; il n’est sur le seuil aucune marque annonçant que l’ange exterminateur doit passer par-là. Ils recevront encore un coup de sa main, ceux qui parlent tant de la créature et si peu du Créateur ; qui parlent tant des richesses de ce monde, et si peu d’un covenant dissous ; qui parlent tant de cette quantité de pièces de vil métal jaune, et si peu de cet or pur de l’Écriture ; qui parlent tant de leurs amis et de leurs parents, et si peu des élus destinés à souffrir les fatigues, les exils, les recherches, les prises de corps, les emprisonnements, les tortures, les bannissements, les décapitations, les potences, les écartèlements, les dépècements de leurs corps vivants, sans compter les centaines d’hommes forcés d’abandonner leurs habitations pour errer au milieu des déserts, des montagnes, des landes, des marais, des tourbières, lieux seuls où ils pourront entendre la parole de Dieu, comme un pain mangé en secret. »

Elle est maintenant au covenant, ami sergent : ne pouvons-nous l’emmener ? dit un des soldats. — Allez au diable ! »lui dit Bothwell à demi-voix. « Ne voyez-vous pas qu’elle est mieux où elle est, aussi long-temps qu’il y a ici un héritier responsable, comme M. Morton de Milnwood, qui a les moyens de payer les folies de cette vieille ? Laissez cette radoteuse prendre son vol pour élever une autre couvée ; elle est trop coriace pour qu’on en fasse quel-