Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/116

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où ils pourraient trouver un abri contre la tempête. En même temps il jeta un regard expressif, mais embarrassé, sur la tour de Wolf’s-Crag, dont le propriétaire ne put dès lors se dispenser d’offrir au vieillard et à sa fille de venir s’y réfugier. L’état même de la jeune dame rendait cet acte de politesse indispensable ; car au milieu des soins qu’il lui donnait, il ne pouvait s’empêcher de remarquer son extrême agitation, résultat probablement de la frayeur que lui inspirait l’orage qui s’approchait.

J’ignore si le maître de Ravenswood partageait ses craintes ; mais il parut ne pas en être tout à fait exempt, lorsqu’il dit : « La tour de Wolf’s-Crag n’a autre chose à offrir que l’abri de son toit ; mais, s’il peut être agréable dans un pareil moment… » Il s’arrêta, comme s’il lui eût été impossible d’achever sa phrase d’invitation. Mais le vieillard, qui s’était, de son propre chef, constitué son compagnon, ne lui laissa pas le temps de se rétracter, bien que l’invitation n’eût pas été précisément exprimée.

« L’orage, disait-il, dispensait de toute cérémonie ; la santé de sa fille était délicate ; elle avait beaucoup souffert d’une frayeur qu’elle avait eu récemment ; il espérait que le maître de Ravenswood ne trouvait pas tout à fait inexcusable de leur part qu’ils acceptassent l’hospitalité qu’il leur offrait, et que, quant à lui, la sûreté de son enfant lui était plus chère que l’étiquette. »

Il n’y avait pas moyen de retirer ses offres. Le maître de Ravenswood montra le chemin, et continua à tenir la bride du cheval de la jeune dame, pour réprimer les écarts que pourrait lui faire faire quelque explosion soudaine de la foudre. Il n’était pas tellement absorbé dans ses réflexions qu’il ne remarquât que la pâleur mortelle qui couvrait le cou et les tempes, ainsi que les traits du visage qui n’étaient point cachés par le masque, faisait place à une vive rougeur, et il sentait, avec quelque confusion, que, par une sympathie secrète, ses joues se couvraient de couleurs non moins vives. L’étranger, avec une attention qu’il déguisait sous l’apparence de crainte pour la sûreté de sa fille, continuait à observer l’expression de la figure du Maître de Rawenswood, pendant que l’on montait la colline voisine de Wolf’s-Crag. Lorsque enfin ils arrivèrent en face de cette antique forteresse, Ravenswood éprouva des émotions nombreuses et variées ; en entrant dans la cour, en appelant Caleb pour venir donner les soins nécessaires, il y avait dans son ton et ses manières une sorte de sévérité, je dirais presque de sauvagerie, qui ne semblait guère