Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/128

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Et d’un seul coup il fit tomber de dessus une planche quelques pots d’étain et de terre, faisant entendre sa voix au milieu du fracas, criant et hurlant de manière à changer les frayeurs que le tonnerre avait causées à Mysie, en sérieuses appréhensions que son vieux camarade n’eût perdu l’esprit. « Il a jeté, dit-elle, tous les petits pots aussi, les seuls qui nous restaient pour tenir du lait, et il a répandu le fromage à la crème[1] qui était préparé pour le dîner de notre maître. Ah, mon Dieu ! il faut que le tonnerre lui ait tourné la tête. — Taisez-vous, vieille sotte, » dit Caleb dans la véhémence et l’orgueil du triomphe que lui procurait le succès de son invention. « Toutes les provisions sont faites maintenant, le dîner, tout ; le tonnerre a fait tout cela en un tour de main. — Pauvre homme ! » dit Mysie en le regardant avec un mélange de pitié et d’alarme ; « sa tête est réellement égarée ; je crains bien qu’il ne revienne jamais dans son bon sens. — Écoutez moi, vieille radoteuse, » dit Caleb toujours enchanté de s’être tiré d’un embarras qui lui avait jusqu’alors paru insurmontable ; « empêchez cet étranger d’entrer dans la cuisine ; jurez que le tonnerre est tombé par la cheminée, et a gâté le meilleur dîner qui ait jamais été préparé : bœuf, lard, chevreau, alouettes, levraut, volaille, venaison, tout ce qu’on voudra. Nommez un grand nombre de plats, et ne craignez pas la dépense. Moi, je vais au salon ; vous, faites autant d’embarras que vous le pourrez ; mais ayez bien soin de ne pas laisser entrer le domestique étranger. »

Après avoir donné ces instructions à sa compagne, Caleb courut à la salle ; mais il s’arrêta pour faire une reconnaissance. Il regarda à travers une ouverture, que le temps pour la commodité de plus d’un domestique, avait faite à la porte, et voyant la situation de miss Asthon, il eut assez de prudence pour attendre, soit afin d’éviter d’ajouter à ses larmes, soit pour être assuré que l’on écouterait la relation qu’il allait faire des effets désastreux du tonnerre.

Mais lorsqu’il vit que la dame était revenue à elle-même, et qu’il entendit la conversation rouler sur les approvisionnements du château, il crut qu’il était temps de se montrer, et il entra de la manière que nous avons décrite dans le chapitre précédent.

« Ah, mon Dieu ! ah, mon Dieu[2] ! s’écria-t-il ; faut-il qu’un tel

  1. Hatled kitt, dit le texte ; mot écossais pour désigner une espèce de fromage à la crème, composé d’un mélange de lait frais et de lait caillé, et que l’on mange avec du sucre. a. m.
  2. Wut a wins, hélas ! ou mon Dieu ! exclamation usitée en Écosse. a. m.