Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/144

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paroisse et même de la paroisse voisine ; mais belle brebis, jolie agneau. »

Les femmes sourirent du compliment, chacune à part soi d’abord, et puis en se regardant l’une l’autre, lorsque Caleb se mit à envelopper les puddings dans une serviette qu’il avait apportée, comme un dragon se munit de son sac de maraude pour y mettre tout ce qui pourra lui tomber sous la main,

« Et quelles nouvelles au château ? » demanda la femme du tonnelier.

« Quelles nouvelles ? répondit Caleb ; les nouvelles les plus intéressantes que vous ayez jamais entendu raconter. Le lord Keeper est au château avec sa charmante fille, tout disposé à la jeter à la tête de milord si celui-ci ne veut pas la recevoir de sa main, et je vous réponds qu’il attachera l’ancien domaine de Ravenswood à la queue de sa robe. — Oui ? ah ! vraiment ? Et la voudra-t-il ? Et quelle est la couleur de ses cheveux ? Et comment s’habille-t-elle ? À l’anglaise ou à l’écossaise ? » Toutes ces questions furent faites à la fois par les deux femmes et sans le moindre intervalle pour attendre la réponse.

« Ta, ta, ta ! dit Caleb ; il me faudrait une journée pour satisfaire à tout ce que vous me demandez, et je n’ai pas une minute à moi. Où est votre mari ? — Il est allé chercher le ministre, répondit madame Girder, le brave M. Pierre Bide-the-Bent[1], qui demeure à Mosshead ; le pauvre homme a gagné un rhumatisme en couchant au milieu des montagnes pendant la persécution. — Comment ! un whig et un montagnard, » s’écria Caleb d’un ton de mauvaise humeur qu’il ne put réprimer ; « j’ai vu le temps, Marion, où vous et toute autre femme, en pareilles circonstances, vous vous seriez contentées des sermons de M. Cufcushion[2] et des prières ordinaires. — Tout cela est bien vrai, dit la veuve de Lightbody ; mais que voulez-vous que l’on fasse ? Il faut que Jeanne chante ses psaumes et lace son corset comme son mari l’entend, et pas autrement ; car il est maître et plus que maître chez lui, monsieur Balderstone ; c’est tout ce que je peux vous dire. — Et a-t-il aussi la clef du trésor, » demanda Caleb, qui n’espérait rien de bon de cette toute-puissance maritale.

  1. Bide-the bent, mot à mot souffre-le-pli. a. m.
  2. Cuff, coup de poing ou soufflet ; cushien, coussin, comme qui dirait bat-le-coussin. Au reste, ces mots, forgés par Walter Scott, n’ont pas toujours un sens aussi exact. a. m.