Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/15

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LA FIANCÉE


DE


LAMMERMOOR.





CHAPITRE PREMIER.

préambule.


Gagnez votre pain avec de la craie blanche et de la craie rouge, avec des tours d’adresse pour ceux, qui le désirent ; c’est véritablement un bon métier pour des mendiants.
Vieille chanson.


Peu de personnes ont été dans mon secret, pendant que je compilais ces récits, et il n’est pas probable qu’ils soient jamais rendus publics tant que vivra leur auteur. Quand même ils verraient le jour, je n’ambitionne aucunement l’honorable distinction d’être montré au doigt. J’avoue que, dans la supposition qu’il n’y aurait aucun danger à se bercer de pareils rêves, j’éprouverais infiniment plus de satisfaction à me tenir derrière le rideau, comme l’ingénieux directeur du spectacle de Polichinelle et de sa femme Jeanne, où, sans être vu, j’aurais le plaisir de voir l’étonnement et d’entendre les conjectures de mes auditeurs. Alors peut-être je pourrais voir les productions de l’obscur Pierre Pattieson, louées par les esprits judicieux et admirées par les âmes sensibles, charmant la jeunesse, et intéressant même la vieillesse ; tandis que le critique en attribuerait la composition à un auteur de quelque célébrité, et que la question de savoir par qui et à quelle époque ces contes ont été écrits remplirait le vide de la conversation dans mille cercles et coteries. Il est très-possible que je ne jouisse pas de ce plaisir durant ma vie ; mais ce qu’il y a de bien certain, c’est que ma vanité ne me portera jamais à rien désirer au delà.

Je tiens trop opiniâtrement à mes habitudes, et je suis trop ennemi de la gloire humaine, pour envier, ou pour rechercher les honneurs accordés à mes contemporains confrères en littérature. Je ne saurais avoir une plus haute opinion de mon propre mérite, quand même je serais jugé digne d’être offert en specta-