Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/154

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Dès qu’il eut recueilli et organisé ses mets de diverses espèces, on aurait pu affirmer qu’autant d’abondance ne s’était pas vue à Wolf’s-Crag depuis le banquet des funérailles du seigneur défunt. Le serviteur jouit de toute sa gloire lorsqu’il étendit une nappe blanche sur la table de chêne et qu’il la recouvrit de gibier charbonné et de volailles sauvages rôties. Il jetait de temps à autre un regard qui semblait démentir l’incrédulité de son maître et de ses convives, et il amusa Lockhard dans la soirée, en lui racontant l’histoire plus ou moins véritable de l’ancienne grandeur de Wolf’s Crag et de l’empire que ses barons exerçaient sur le voisinage.

Un vassal se serait à peine cru le propriétaire d’un veau ou d’un agneau, s’il n’avait auparavant demandé au seigneur de Ravenswood s’il lui plairait de l’accepter, et il était obligé d’obtenir le consentement du seigneur pour prendre femme. On citait plus d’une aventure comique relativement au droit du mariage ainsi qu’à d’autres privilèges ; « et, disait Caleb, quoique notre âge ne ressemble pas au bon vieux temps où l’autorité avait tant de droits, cependant il est vrai, et vous pouvez l’avoir remarqué vous-même, monsieur Lockhard, que nous autres gens de la maison de Ravenswood, nous faisons tous nos efforts pour maintenir, par un juste usage de l’autorité baronniale, cette distance convenable entre le maître et le vassal, distance qui peut se perdre dans la licence de ces malheureux temps. — Mais, reprit Lockhard, me permettrez-vous, monsieur Balderstone, de vous demander si vous trouvez vos gens du village là-bas très-maniables ? car je vous dirai qu’au château de Ravenswood, qui appartient maintenant à mon maître, le lord Keeper, vous n’avez pas laissé des tenanciers bien souples. — Eh mais, monsieur Lockhard, reprit Caleb, faites attention qu’il y a du changement, et que le vieux seigneur avait le droit de tout exiger d’eux, quand le nouveau ne pourrait en rien obtenir. Ce sont des êtres bien hargneux et bien querelleurs que ces tenanciers de Ravenswood, et il ne fait pas bon vivre près d’eux, car ils n’écoutent pas leur maître ; si le vôtre finit par leur monter la tête, tout le pays réuni ne parviendrait pas à les apaiser. — C’est vrai, dit Lockhard, et puisque tel est le cas, je crois que le mieux pour nous serait de bâcler un mariage entre votre jeune seigneur et notre belle jeune demoiselle qui est là-haut ; sir William n’aurait qu’à attacher votre vieille baronnie à la manche de sa robe : il a la tête si