Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/166

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L’orage qui survint favorisa le projet du lord Keeper, en lui fournissant l’occasion de se lier personnellement avec le Maître de Ravenswood plus qu’il ne pouvait l’espérer. Les craintes que lui causait le ressentiment du jeune noble diminuaient depuis qu’il réfléchissait aux droits incontestables que lui donnait son titre légal et aux moyens de les faire valoir ; mais, quoiqu’il pensât, non sans raison, que les circonstances désespérées entraînent seule les hommes à des actes de violence, ce ne fut pas sans une terreur secrète qui fit battre son cœur, qu’il se sentît pour la première fois enfermé dans la tour déserte de Wolf’s-Crag, si propre, par sa solitude et sa force, à une scène de vengeance. La sombre réception que lui fit d’abord le Maître de Ravenswood, qui fit naître l’embarras avec lequel il déclina à ce noble offensé les noms des hôtes qui venaient lui demander l’hospitalité, ne put calmer ses craintes ; de sorte que, lorsque sir William Ashton entendit la porte de la cour se fermer avec violence derrière lui, il se rappela les paroles d’Alice : « Qu’il avait poussé les choses trop loin avec une race aussi farouche que celle des Ravenswood, et qu’ils trouveraient le temps de la vengeance. »

La franchise de l’hospitalité du Maître, à mesure qu’ils firent connaissance, apaisa les craintes que ces souvenirs avaient excitées, et il n’échappa point à Sir William Ashton que c’était à la grâce et à la beauté de Lucy qu’il devait ce changement dans la conduite de leur hôte.

Toutes ces pensées se présentèrent en foule lorsqu’il prit possession de la chambre secrète. La lampe de fer, l’appartement non meublé, qui ressemblait plutôt à une prison qu’à un lieu destiné au repos, le bruit sourd et continuel des vagues qui venaient se briser à la base du rocher sur lequel était bâti le château, tout se réunissait pour attrister et inquiéter son âme. C’était le succès de ses intrigues qui avait en grande partie causé la ruine de cette famille ; mais il était fourbe et non cruel, de sorte que la vue de la désolation et du malheur dont il était cause lui était aussi pénible que le serait à une maîtresse de maison la vue de l’exécution des agneaux qu’elle aurait elle-même condamnés à la mort. Mais en même temps, quand il songea à l’alternative de rendre à Ravenswood la plus grande partie de ses dépouilles, ou d’adopter comme allié et membre de sa famille l’héritier d’une race appauvrie, il sentit ce qu’éprouve peut-être l’araignée, qui, après avoir déployé tout son art à préparer sa toile, la voit enlevée par le ba-