Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/235

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procher, tandis que ses lèvres flétries étaient agitées d’un mouvement rapide : mais aucun son ne se fit entendre, Ravenswood s’arrêta, et lorsque, un moment après, il s’avança vers elle, Alix, ou son apparition, se leva de l’endroit où elle était assise, recula, ou plutôt se glissa vers le bosquet, le visage toujours tourné vers lui. Les arbres la dérobèrent bientôt aux yeux de Ravenswood, qui, subjugué par la vive et épouvantable impression que l’être qu’il avait vu n’était pas de ce monde, resta quelque temps comme fixé à l’endroit d’où il l’avait vue disparaître. Rappelant enfin son courage, il s’avança vers le lieu où il lui semblait que la figure s’était assise ; mais le gazon ne lui parut pas avoir été foulé, et aucun indice ne pouvait le porter à croire que ce qu’il avait aperçu fût une substance réelle.

Plein de ces idées étranges et de ces craintes confuses que fait naître dans l’esprit d’une personne la croyance d’une vision surnaturelle, le Maître de Ravenswood retourna vers son cheval, non sans regarder fréquemment derrière lui, comme s’il se fût attendu à voir reparaître le fantôme ; mais que le spectre fût une réalité ou seulement le produit de son imagination échauffée, il ne reparut plus ; et Ravenswood retrouva son cheval tout en sueur et tout épouvanté, comme s’il eut été en proie à la frayeur que les animaux éprouvent, dit-on, à la vue d’un être surnaturel. Edgar, avant de se mettre en selle, le fit marcher doucement en le flattant de temps en temps de la main ; mais l’animal tressaillait à chaque pas, comme s’il se fût attendu à voir derrière chaque arbre un nouvel objet de terreur. Après quelques moments de réflexion, le Maître de Ravenswood résolut d’approfondir ce mystère. « Est-il possible, dit-il, que mes yeux m’aient trompé, et qu’ils m’aient trompé aussi long-temps ? ou bien les infirmités de cette femme ne sont-elles que simulées, afin d’exciter la compassion ? Cependant ses mouvements ne paraissaient pas être ceux d’une personne vivante. Faut-il donc que j’adopte ce qui n’a jamais été pour moi qu’une superstition populaire, et que je dise que cette infortunée est en commerce avec les esprits des ténèbres ? J’éclaircirai mes doutes ; je ne veux pas être abusé, même par le témoignage de mes propres yeux. »

Dans cet état d’incertitude, il arriva au petit guichet de la porte du jardin d’Alix. La place qu’elle occupait sous le bouleau était vide, quoique la journée fût belle et le soleil encore éloigné de son déclin ; s’approchant de la chaumière, il y entendit une