Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/307

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ment bruns et qui, amaigris par le chagrin, et couverts d’une pâleur affreuse, suite d’une longue maladie, donnaient à sa physionomie ordinairement grave une expression farouche et même sauvage. Sa chevelure en désordre, dont une partie s’échappait de dessous son chapeau, son regard fixe et sa posture immobile, donnaient à sa tête le caractère d’un buste de marbre. Il ne prononça pas une seule parole, et pendant plus de deux minutes un profond silence régna dans l’appartement.

Ce silence fut interrompu par lady Ashton, qui, dans ce court espace de temps, avait retrouvé une partie de son audace naturelle. Elle lui demanda le motif d’une visite dont rien ne pouvait justifier la hardiesse.

« C’est à moi, madame, lui dit son fils, qu’appartient le droit de faire une pareille question, et je prie le Maître de Ravenswood de me suivre dans un endroit où il pourra me répondre tout à son aise. »

Bucklaw l’interrompit en disant « que personne au monde ne pouvait lui enlever le privilège d’être le premier à demander une explication au Maître de Ravenswood. Craigengelt, » ajouta-t-il d’un ton plus bas, « que diable avez-vous donc à trembler ? croyez-vous voir un spectre ? Allez me chercher mon épée dans la galerie. — Je ne céderai à qui que ce soit, dit le colonel, le droit que j’ai de demander raison à cet homme de l’insulte sans exemple qu’il fait à ma famille. — Patience, messieurs, » dit Ravenswood en tournant sur eux des regards farouches et étendant la main pour faire cesser cette altercation ; « si vous êtes aussi las de vivre que je le suis moi-même, je trouverai le temps et le lieu de jouer ma vie contre l’une des vôtres, ou contre toutes les deux : pour le moment je n’ai pas le temps de me quereller avec des étourdis. — Des étourdis ! » répéta le colonel en tirant son épée à demi hors du fourreau, tandis que Bucklaw saisit la poignée de celle que Craigengelt venait de lui apporter.

Sir William Ashton, alarmé pour la sûreté de son fils, se jeta entre les jeunes gens et Ravenswood, en s’écriant : « Mon fils, je vous l’ordonne ; Bucklaw, je vous en supplie, conservez la paix, au nom de la reine et de la loi. — Au nom de la loi de Dieu, » dit Bide-the-Bent s’avançant aussi, les mains élevées, entre Bucklaw, le colonel et l’objet de leur ressentiment ; « au nom de celui qui a apporté la paix sur la terre et la charité parmi les hommes, je vous supplie, je vous conjure, je vous ordonne de vous abstenir de toute