Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/31

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condamné ni à perdre la vie, ni à voir ses biens confisqués, il avait été dépouillé de sa noblesse, son titre avait été aboli, et si on l’appelait encore lord Ravenswood, ce n’était que par courtoisie.

Si ce noble déchu n’avait pas hérité de la fortune de sa famille, il en avait conservé l’orgueil et l’esprit turbulent, et il avait voué une haine profonde à celui qu’il regardait comme l’auteur de la chute complète de sa maison. L’objet de cette haine était le nouveau propriétaire de Ravenswood et des domaines dont l’héritier de la maison s’était dépouillé. Il descendait d’une famille beaucoup moins ancienne que celle de lord Ravenswood, et qui n’avait acquis d’éclat et d’importance politique que pendant les longues guerres civiles. Lui-même, destiné au barreau dès sa jeunesse, avait occupé des places éminentes dans l’administration. Habile à profiter des troubles d’un état déchiré par des factions, et gouverné par une autorité déléguée, il avait trouvé moyen d’amasser des sommes considérables d’argent, dans un pays à peu près ruiné. Les richesses, dont il connaissait le prix, et qu’il savait augmenter, servaient à accroître son pouvoir et son influence.

De pareils talents et de semblables ressources le rendaient un antagoniste dangereux pour le bouillant et imprudent Ravenswood. L’on n’était point d’accord sur les motifs de l’inimitié que le baron nourrissait contre lui. Quelques personnes attribuaient ce ressentiment au caractère vindicatif et envieux de lord Ravenswood, qui ne pouvait se résigner à voir un autre devenu, quoique par suite d’une vente juste et légitime, propriétaire du domaine et du château de ses ancêtres. Mais la majeure partie du public, composée de gens portés à dire du mal du riche en son absence, comme à le flatter lorsqu’il est présent, avait une opinion moins favorable. On publiait que le lord Keeper, ou garde-des-sceaux, car c’est à cette dignité que sir William Ashton s’était élevé, avait, avant l’acquisition définitive du domaine de Ravenswood, fait des opérations pécuniaires considérables avec l’ancien propriétaire ; et, sans rien affirmer de positif, on calculait que les chances les plus favorables dans ces opérations compliqués avaient dû être plutôt en faveur du jurisconsulte de sang-froid et habile politique, que de l’homme emporté et imprudent qui, par les voies légales, était devenu sa victime.

Le caractère particulier de l’époque venait encore à l’appui de