Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/32

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ces soupçons. « En ces jours là il n’y avait point de roi en Israël[1]. » Depuis que Jacques VI était parti pour aller prendre possession de la couronne plus riche et plus puissante d’Angleterre, il s’était formé des partis opposés dans l’aristocratie de l’Écosse, et les grands personnages exerçaient alternativement les pouvoirs de la souveraineté qu’ils étaient parvenus, par leurs intrigues, à se faire déléguer. Les maux résultant de ce système de gouvernement ressemblaient à ceux qui, en Irlande, affligent le tenancier d’un domaine dont le propriétaire ne réside point sur ses possessions. Il n’y avait point de pouvoir suprême, ayant de droit et de fait un intérêt commun avec la masse générale de la nation, et auquel celui qui était opprimé par un tyran subalterne pût en appeler, soit pour obtenir justice, soit pour demander grâce. Quelque indolent, quelque égoïste, quelque disposé aux mesures arbitraires que soit un monarque, néanmoins, dans un pays libre, ses propres intérêts sont évidemment liés à ceux de tous ses sujets. Les funestes conséquences qui résultent de l’abus de son autorité sont certaines et imminentes ; aussi la politique la plus ordinaire, le bon sens le plus simple, démontrent-ils la nécessité de faire une égale distribution de la justice, et d’établir le trône sur la droiture et l’équité. De là le soin apporté par les souverains qui même se sont rendus odieux par l’usurpation et la tyrannie, à l’administration de la justice au sein de leurs états, toutes les fois qu’elle ne pouvait affaiblir leur puissance ou contrarier leurs passions.

Il en est tout autrement lorsque les pouvoirs de la souveraineté sont délégués au chef d’une faction aristocratique, qui redoute la rivalité et l’ambition du chef d’un parti contraire. Le peu de temps qu’il a à jouir de sa puissance précaire doit être employé à récompenser ses partisans, à étendre son influence, à opprimer et à écraser ses adversaires. Abou-Hassan lui-même[2], le plus désintéressé de tous les vice-rois, n’oublia pas, pendant son califat d’un jour, d’envoyer à sa propre maison une douceur de mille pièces d’or, et les chefs du gouvernement écossais de ce temps, élevés au pouvoir par une faction triomphante, ne manquèrent pas d’adopter les mêmes moyens pour récompenser leurs adhérents.

L’administration de la justice, surtout, était empreinte de la

  1. Verset de la Bible. a. m.
  2. Personnage des Mille et une Nuits. a. m.