Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/319

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Anne Winnie, que lady Ashton est une femme passablement méchante. — La voyez-vous là-bas, faisant caracoler son cheval gris en sortant du cimetière ? Il y a plus de véritable diablerie dans cette femme, toute parée et toute gracieuse qu’elle est, que dans toutes les sorcières écossaises qui ont jamais volé au-dessus de North-Berwick-Law, au clair de la lune. — Qu’est-ce que vous marmottez là de sorcières ? sorcières vous-mêmes, s’écria Johnny Mortsheugh. Venez-vous donc faire vos sortilèges jusque dans le cimetière, pour porter malheur au marié et à la mariée ? Sortez d’ici bien vite ; car si je prends mon bâton, je vous ferai trouver le chemin plus promptement que vous ne voudrez. — Eh, mon Dieu ! répondit Ailsie Gourlay, comme nous sommes braves avec notre habit noir tout neuf et notre tête bien poudrée, comme si nous-même nous n’avions jamais connu la faim ni la soif ? Et nous irons racler notre mauvais violon au château, toute la nuit, sans doute, avec les autres tireurs d’archet, venus de plusieurs milles à la ronde. Voyez si les chevilles du violon tiennent, Johnny… Entendez-vous, mon enfant ? — Bonnes gens, » dit Mortsheugh en s’adressant aux autres pauvres, « je vous prends tous à témoin qu’elle me menace de malheur et qu’elle me fait des prédictions sinistres. S’il arrive quelque accident cette nuit, à moi ou à mon violon, ce sera pour elle la plus vilaine affaire qu’elle ait jamais ourdie de sa vie : je la ferai venir devant le presbytère et le synode. Je suis à moitié ministre moi-même, à présent que me voilà bedeau d’une paroisse habitée. »

Quoique la haine mutuelle qui existait entre ces sorcières et le reste de l’espèce humaine eût endurci leurs cœurs contre toutes les impressions de joie qu’inspire ordinairement une fête, il n’en était pas de même du reste des assistants. La splendeur du cortège des nouveaux mariés, la beauté des costumes, les chevaux fringants, l’air de gaieté des jolies dames et des galants chevaliers qui s’étaient réunis à cette occasion, produisaient leur effet ordinaire sur eux. Les cris répétés de vivent Ashton et Bucklaw ! les décharges de pistolets, de fusils et de mousquetons, pour donner ce qu’on appelait le coup de feu de la mariée, témoignaient du plaisir que causait à la foule cette belle cavalcade qu’elle accompagnait dans son retour au château. Il se trouvait bien çà et là quelque vieux paysan, quelque vieille femme, qui ricanait à la vue de la pompe étalée par une famille de nouveaux parvenus, et en se rappelant les nobles et antiques Ravenswood ; mais ceux--