Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/323

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Le chirurgien fut le premier qui réussit à se faire entendre avec quelque patience. Il déclara que la blessure de Bucklaw, quoique profonde et dangereuse, n’était pas mortelle, mais qu’il fallait le plus grand calme et un repos absolu. Cette déclaration imposa silence à ses nombreux amis, qui avaient d’abord insisté pour qu’il fût transporté hors du château, et placé dans celui qui était le moins éloigné de ce lieu funeste. Ils demandèrent cependant que, attendu ce qui venait de se passer, quatre d’entre eux restassent à Ravenswood pour veiller auprès du lit de souffrance de leur ami, avec un nombre convenable de domestiques bien armés. Le colonel Ashton, ainsi que son père, ayant acquiescé à cette demande, les autres amis du marié se retirèrent, malgré l’heure avancée et l’obscurité de la nuit.

Le chirurgien, après avoir pansé la blessure de Bucklaw, donna ses soins à miss Ashton, qu’il déclara être dans un très-grand danger. On appela aussitôt plusieurs médecins, qui tous se rangèrent à son opinion. Elle passa toute la nuit dans le délire. Le lendemain matin elle tomba dans un état d’insensibilité complète, et les médecins annoncèrent que, dans la soirée, elle subirait une crise décisive. Cette crise arriva en effet, et la malade en sortit avec une apparence de calme ; elle souffrit qu’on la changeât de linge, qu’on remît en ordre le lit sur lequel on l’avait déposée, mais, ayant porté la main à son cou, comme pour chercher le fatal ruban bleu, une foule de souvenirs sembla naître confusément en elle, et ni son esprit ni son corps ne furent capables de résister à leur violence. Les convulsions se succédèrent avec une effrayante rapidité, et se terminèrent par la mort, sans qu’elle eût pu dire un seul mot pour expliquer la scène fatale. Le juge provincial arriva le lendemain de la mort de Lucy, et s’acquitta, avec tous les égards dus à la famille affligée, du pénible devoir de faire une enquête relative à ce funeste événement. Mais tout ce qu’il put recueillir à cet égard se borna à établir en général que la fiancée, dans un accès de démence, avait poignardé Bucklaw sur le seuil de l’appartement. On trouva dans sa chambre l’arme dont elle s’était servie, et qui était encore teinte de sang : c’était le poignard que Henri devait porter le jour même pendant la cérémonie, et que sa malheureuse sœur avait trouvé le moyen de dérober le soir précédent, lorsqu’on le lui montra parmi les autres objets préparés pour la noce.

Les amis de Bucklaw comptaient qu’en recouvrant la santé il