Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/324

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jetterait quelque jour sur cette sombre histoire ; dès qu’il fut un peu rétabli, ils le pressèrent de questions, auxquelles il évita pendant quelque temps de répondre, sous prétexte de son état de faiblesse. Enfin, quand il fut de retour chez lui et qu’on put le regarder comme en état de convalescence, il assembla toutes les personnes de l’un et de l’autre sexe qui avaient cru devoir l’interroger sur cet objet, et leur fit ses remercîments de l’intérêt qu’elles lui avaient témoigné, ainsi que de leurs offres obligeantes de service. « Je vous prie toutefois, mes amis, ajouta-t-il, de bien vous mettre dans l’esprit que je n’ai point d’histoire à raconter, point d’injures à venger. Si une dame me questionne désormais sur les incidents de cette malheureuse nuit, je garderai le silence, et je croirai qu’elle désire rompre toute amitié avec moi. Mais si un homme me fait la même question, je regarderai son incivilité comme une invitation de me trouver avec lui dans Duke’s-Walk[1], et j’espère qu’il agira en conséquence. »

Une déclaration aussi positive n’admettait pas de commentaire, et l’on s’aperçut bientôt que Bucklaw s’était levé de son lit de souffrance plus grave et plus posé qu’auparavant. Il renonça à la société de Craigengelt, mais non sans lui avoir assuré un revenu qui, bien employé, pût le mettre à l’abri de l’indigence et le garantir des tentations ; mais le capitaine fut bientôt ruiné par le jeu, et, s’étant associé à des contrebandiers, fut pris avec deux de ses nouveaux amis dans un combat contre les douaniers : condamné à être pendu, il obtint la commutation de sa peine, parce que, inspection faite de ses armes, il avait été prouvé qu’il n’en avait fait aucun usage. Il fut banni à perpétuité.

Bucklaw partit pour le continent peu après la catastrophe dont il avait failli être victime, et ne revint plus en Écosse. Jamais on ne l’entendit faire la moindre allusion aux circonstances qui accompagnèrent son fatal mariage.

Bien des lecteurs regarderont tout ceci comme exagéré et romanesque ; ils croiront y voir le fruit de l’imagination extravagante d’un auteur qui cherche à plaire aux amateurs de scènes terribles. Mais les personnes familiarisées avec l’histoire domestique de l’Écosse, à l’époque où l’on a placé ce récit, reconnaîtront facilement, sous le déguisement de noms empruntés, et au milieu des incidents que nous y avons ajoutés, les principaux détails d’une histoire qui n’est que trop vraie.

  1. Promenade du duc, près d’Édimbourg. a. m.