Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/328

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la vie aussi long-temps que vous pourrez, et laissez-moi chercher la mort d’une autre main que la vôtre. — Jamais ; non, jamais, répondit le colonel ; vous mourrez de ma main, ou vous compléterez la ruine de ma famille en me perçant le cœur. Si vous refusez le défi loyal que je vous fais, ma juste vengeance vous suivra partout, partout je vous couvrirai d’affronts, jusqu’à ce que le nom de Ravenswood devienne le symbole de tout ce qu’il y a de plus lâche, comme il est déjà celui de tout ce qu’il y a de plus perfide. — C’est ce qu’il ne sera jamais, » dit fièrement Ravenswood. « Si je suis le dernier qui doive le porter, je dois à ceux qui l’ont porté avant moi d’empêcher qu’il s’éteigne dans l’ignominie. J’accepte votre défi, l’heure et le lieu du rendez-vous. Nous serons seuls, je présume ? — Seuls ; et le seul survivant reviendra. — Alors, que Dieu reçoive l’âme de celui qui succombera. — Amen ! Mon esprit de charité peut aller jusqu’à faire ce vœu, même pour l’homme que je déteste le plus mortellement et avec le plus de motifs. Maintenant séparons-nous, car nous serions peut-être interrompus. Les sables sur le bord de la mer, à l’est de Wolf’s-Hope… Au lever du soleil… Nos épées pour seules armes. — Il suffit, je n’y manquerai pas. »

Ils se séparèrent. Le colonel rejoignit le cortège funéraire, et le Maître de Ravenswood reprit son cheval, qu’il avait attaché à un arbre derrière l’église. Le colonel Ashton revint au château avec ses parents, mais dans la soirée il imagina un prétexte pour s’absenter. Ayant pris un costume de voyage, il se rendit à Wolf’s-Hope où il prit son logement pour la nuit dans la petite hôtellerie, afin d’être au lieu du rendez-vous le lendemain de bonne heure.

On ignore comment le Maître de Ravenswood passa le reste de cette malheureuse journée. Il n’arriva que tard dans la nuit au château de Wolf’s-Crag, et fit lever son vieux domestique, Caleb Balderstone, qui avait cessé d’attendre son retour. Des bruits confus et peu exacts au sujet du tragique événement dont le château de Ravenswood avait été le théâtre, étaient déjà parvenus aux oreilles du vieillard, qui était en proie à la plus grande inquiétude en songeant à l’effet qu’ils devaient produire sur l’esprit de son maître.

La conduite de Ravenswood ne fut nullement de nature à calmer ses craintes. Le vieux sommelier l’ayant prié, en tremblant, de prendre quelques rafraîchissements, il ne lui fit d’abord aucune réponse ; puis, tout d’un coup, et d’un ton brusque, ayant demandé