Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/33

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

partialité la plus révoltante. À peine se présentait-il une cause un peu importante, dans laquelle il n’y eût quelque motif de croire que les juges s’étaient laissé influencer par l’une des parties ; leur corruption était si avérée, que l’adage : « Montre-moi l’homme et je te montrerai la loi » fut aussi généralement connu et cité qu’il était scandaleux. Un acte de corruption conduisait à un autre encore plus odieux. Le juge qui, dans une circonstance, usait de son autorité sacrée pour favoriser un ami, ou pour nuire à un ennemi, et dont les décisions étaient dictées par des considérations de politique ou de parenté, ne pouvait être supposé inaccessible à des motifs directement personnels, et on n’avait que trop souvent des raisons de soupçonner que l’or du riche avait triomphé d’un adversaire n’ayant pour lui que sa bonne cause. Les ministres subalternes de la loi cédaient facilement à la corruption. Des pièces d’argenterie, des sacs d’argent étaient envoyés en présent aux gens du roi, pour influencer leur conduite, et roulaient pour ainsi dire, chez eux, dit un auteur contemporain, sans qu’ils y missent le moindre mystère.

En des temps pareils, ce n’était pas beaucoup manquer de charité que de supposer que l’homme d’état, familier avec la marche des cours de justice, et membre puissant d’une cabale triomphante, pourrait trouver et employer les moyens de l’emporter sur son adversaire moins habile et moins favorisé ; et si l’on avait supposé que la conscience de sir William Asthon était trop timorée pour lui permettre de profiter de ces avantages, on aurait toujours cru que son ambition et le désir d’augmenter sa fortune trouvaient aussi un fort stimulant dans les exhortations de son épouse que Macbeth en trouva autrefois dans les encouragements de la sienne à atteindre le but de ses vœux.

Lady Ashton, d’une famille plus distinguée que celle de son époux, se prévalait de cet avantage pour maintenir et augmenter l’influence de son mari sur les autres, et, à moins qu’on ne l’eût grandement calomniée, la sienne sur lui-même. Elle avait été belle, et son port était encore majestueux et plein de dignité. Douée de grands moyens et de vives passions, l’expérience lui avait appris à employer les uns, et à dissimuler, sinon à modérer, les autres. Elle était stricte et sévère observatrice des formes extérieures du moins, de la religion ; son hospitalité était splendide jusqu’à l’ostentation ; son ton et ses manières, conformément à la règle générale suivie en Écosse à cette époque, étaient