Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/348

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avait été de prouver par un arbre généalogique à quel degré de parenté il appartenait à ce personnage. Il s’opéra alors une étrange modification dans ses sentiments à son égard.

« Je ne puis le maudire, » dit-il en se levant et en parcourant la chambre à grand pas, lorsque Jeannette eut achevé son histoire, « Je ne le maudirai pas ; il est le descendant et le représentant de mes ancêtres. Mais jamais homme ne m’entendra à l’avenir prononcer son nom. Et il tint parole ; car, jusqu’au jour de sa mort, personne ne l’entendit nommer ce chieftain égoïste et au cœur dur.

Après avoir consacré un jour à ses tristes réflexions, l’esprit entreprenant qui l’avait guidé à travers tant de dangers fortifia son cœur contre ce cruel désappointement. « J’irai, disait-il, rejoindre mes parents au Canada, où ils ont donné à un vallon transatlantique le nom de celui de leurs pères. Jeannette fera son paquet comme la femme d’un soldat. Au diable la distance ! C’est le saut d’une puce, en comparaison des voyages et des marches que j’ai faits pour de plus légères causes. »

Dans cette intention, il quitta les Highlands ; et il passa à Ganderscleugh avec sa sœur, en se rendant à Glasgow, dans l’intention de s’embarquer pour le Canada. Mais à cette époque l’hiver commençait, et il pensa qu’il serait prudent d’attendre le printemps pour s’embarquer, car alors le Saint-Laurent serait ouvert, et il se fixa parmi nous pour le peu de mois qu’il devait rester dans la Grande-Bretagne. Comme nous l’avons dit plus haut, ce respectable vieillard trouva une grande déférence et de grandes attentions pour lui dans tous les rangs de la société. Aussi lorsque le printemps fut de retour, il se trouva si satisfait de ses quartiers d’hiver, qu’il ne fut plus question de ses projets de voyage. Jeannette craignait la mer, et lui-même ressentait les infirmités de l’âge et du service, plus qu’il ne l’avait d’abord pensé. Il en parla au ministre, et mon digne patron M. Cleisbotham lui répondit qu’il valait mieux rester avec des amis éprouvés, que d’aller au loin, pour rencontrer pis. Il s’établit donc tout-à-fait à Ganderscleugh, à la grande satisfaction, comme nous l’avons déjà dit, de tous ses habitants, pour lesquels son intelligence militaire, et ses savants commentaires sur les journaux, les gazettes et les bulletins, en firent un véritable oracle et l’interprète de tous les événements des guerres passées, présentes ou futures.

Il est vrai que le sergent n’était pas conséquent avec lui-même.