Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/38

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de braver l’accroissement d’hostilité qu’ils pensaient que ce sentiment de vengeance aussi ouvertement exprimé ne pouvait manquer de provoquer de la part de son ennemi. Les événements ne justifièrent cependant pas leurs appréhensions, du moins dans les conséquences immédiates de cette affaire.

Le cortège, suivant une coutume qui n’a été que récemment abolie en Écosse, retourna à la tour s’abreuver largement en l’honneur du défunt, faire retentir la maison de douleur des cris de la joie et de la débauche, et diminuer par les énormes dépenses d’une fête splendide le modique revenu de l’héritier de celui dont on célébrait les funérailles d’une manière si étrange. Mais tel était l’usage, et dans cette occasion il fut complètement observé. Le vin coula à grands flots sur la table ; la populace réunie dans la cour, les fermiers et gens de cette classe dans la cuisine et dans l’office, firent honneur à la libéralité du jeune Ravenswood, et deux années du revenu des propriétés qui lui restaient suffirent à peine pour payer les frais de cette orgie funéraire. Le vin produisit son effet sur tous les convives, à l’exception du Maître de Ravenswood, titre qu’il conservait toujours, malgré la forfaiture encourue par son père. En faisant circuler à la ronde la coupe qu’il ne goûtait pas lui-même, il entendit bientôt mille imprécations prononcées contre le lord garde des sceaux et mille ardentes protestations d’attachement pour lui-même et pour l’honneur de sa maison. Il écouta d’un air sombre et pensif ces transports d’enthousiasme, qu’il regardait avec raison comme devant s’évanouir avec les bulles colorées produites au bord du verre par les liqueurs spiritueuses, ou du moins avec les vapeurs que son contenu faisait monter dans le cerveau de ceux qui entouraient la table du festin.

Lorsque le dernier flacon eut été vidé, les convives firent les adieux, accompagnés de vives protestations qui devaient être oubliées le lendemain, si même ceux qui les prodiguaient ne jugeaient pas nécessaire pour leur propre sûreté d’en donner une rétractation plus solennelle.

Recevant leurs adieux avec un air de mépris qu’il avait de la peine à déguiser, Ravenswood vit enfin sa misérable habitation débarrassée de cette multitude d’hôtes bruyants, et rentra dans la salle maintenant abandonnée. Elle lui parut doublement déserte par le silence qui avait succédé au bruit dont elle venait d’être remplie. Mais elle se peupla bientôt de fantômes que le jeune