Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/407

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sentiments de leurs alliés les moins puissants, afin de les attacher, en cas de besoin, à leur intérêts et à leur étendard. Aussi cette assemblée de chefs highlanders ressemblait-elle assez à ces anciennes diètes de l’empire, où le moindre frey-graf[1] qui possédait un château perché sur un rocher stérile, entouré de quelques centaines d’acres de terre, réclamait les honneurs et le rang d’un prince souverain, et le droit de siéger parmi les dignitaires de l’empire.

La suite des différents chefs fut logée et placée séparément, autant que les chambres et les circonstances le permettaient ; chacun d’eux cependant conserva son henchmann[2] qui, ne quittant pas son maître plus que son ombre, se tenait toujours prêt à exécuter les ordres qu’il pourrait lui donner.

L’extérieur du château présentait un coup d’œil extraordinaire. Les Highlanders des îles, des vallons et des strath[3], se regardaient les uns les autres avec des yeux où brillaient la jalousie, une curiosité inquiète et une malveillance hostile. Mais ce qu’il y avait de plus étourdissant, du moins pour l’oreille des Lowlanders, était la musique des joueurs de cornemuse qui rivalisaient entre eux. Ces ménestrels guerriers, qui avaient chacun la plus haute opinion de la supériorité de sa tribu respective, et l’idée non moins orgueilleuse de l’importance de leur profession, jouèrent d’abord leurs divers pibrochs[4] sur le front de leur clan. À la fin cependant, comme les coqs de bruyères qui, pour parler le langage du chasseur, s’assemblent en troupes vers la fin de la saison, sont attirés par les chants de triomphe, ainsi les joueurs de cornemuses agitant leurs plaids et leurs tartans, de la même manière que les coqs hérissent leurs plumes, commencèrent par s’approcher les uns des autres, pour donner à leurs confrères un échantillon de leur talent. Arrivés à une distance convenable, et se lançant des regards où l’on pouvait distinguer l’orgueil et le défi, ils soufflèrent dans leurs instruments criards, chacun se démenant et jouant son air favori ; ils firent un tel tintamarre, que

  1. Mot allemand, petit noble. a. m.
  2. Serviteur d’un chef highlander, qui reste toujours à ses côtés pour le servir. a. m.
  3. Strath signifie les bords d’une rivière : on en a formé des noms de districts et de villes, comme nos rivières ont donné leurs noms à nos départements. Ainsi, Strathallan, Stratherin, Strathay, sont trois districts nommés d’après les trois grandes rivières du Perthshire, l’Allan, l’Erin et le Tay. a. m.
  4. Chaque tribu a son pibroch. a. m.