Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/552

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ment au milieu de l’une des salles du château d’Inverary, où Argyle présidait le conseil, et jeta sur la table son poignard ensanglanté.

« Est-ce le sang de James Graham ? » demanda Argyle avec une impression qui peignait une sorte d’espoir et de terreur causée par l’apparition subite du farouche montagnard.

« Non, mais c’est celui de son favori ! C’est le sang que j’étais prédestiné à répandre, quoique j’eusse versé tout le mien pour l’épargner. »

Après avoir parlé ainsi, il quitta le château, et depuis ce moment on n’eut de lui aucune nouvelle positive. Comme on vit peu de temps après le jeune Kennet et trois autres Enfants du Brouillard traverser le Lochfine, on présuma qu’ils étaient sur ses traces ; et l’opinion la plus générale fut qu’il périt de leurs mains dans quelque obscure solitude. Une autre tradition rapporte qu’il passa à l’étranger, et qu’il se fit moine dans un couvent de chartreux. En définitive, on n’eut jamais que de simples présomptions à l’appui de ces diverses opinions.

Sa vengeance fut beaucoup moins complète qu’il ne se l’était probablement imaginé ; car la blessure de Menteith, quoique assez dangereuse pour mettre ses jours en danger, ne fut cependant pas mortelle, grâce à la recommandation du major Dalgetty, qui l’avait déterminé à se marier couvert de son armure. Mais ses services furent perdus pour Montrose, et il partit avec la future comtesse et son beau-père pour le château d’Ardenvohr. Dalgetty les accompagna jusqu’au bord du lac, et n’oublia pas, en les quittant, de rappeler à Menteith la nécessité d’élever une redoute sur la hauteur de Drumsnab, pour protéger les possessions de sa nouvelle épouse.

Ils firent leur voyage sans accident, et Menteith, au bout de quelques semaines, recouvra la santé et s’unit à Annette.

Les montagnards furent embarrassés pour concilier la guérison de Menteith avec les visions de Mac-Aulay, et le plus grand nombre lui sut mauvais gré de n’être pas mort pour vérifier complètement la prédiction. D’autres la jugèrent suffisamment accomplie par la blessure reçue de la main et du poignard du prédestiné, et tous furent d’avis que l’incident de la bague à la tête de mort avait rapport à la fin du père d’Annette, qui mourut peu de mois après son mariage. Les incrédules soutinrent que toutes ces visions et ces prédictions n’étaient que le résultat d’une imagina-