Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/75

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tous ensemble sur le brick français l’Espoir, qui nous attend à la hauteur d’Eyemouth. — C’est fort bien ; l’Écosse ne m’offre plus d’attrait, et si la compagnie du maître peut nous procurer un meilleur accueil en France, en bien ! soit fait comme il est dit, au nom de Dieu ! Je doute fort que nos propres mérites nous fassent obtenir un bien grand avancement, et j’espère qu’il fera passer une balle à travers la tête du lord Keeper, avant de nous rejoindre. On devrait, chaque année, administrer une semblable pilule à un ou deux de ces brigands d’hommes d’état, pour apprendre aux autres à se bien conduire. — C’est très-vrai, et cela me fait rappeler qu’il faut que j’aille voir si nos chevaux ont mangé et s’ils sont prêts ; car si l’affaire est faite, ce ne sera pas le moment de laisser croître l’herbe sous leurs pieds. » Il alla jusqu’à la porte, puis se retourna de l’air du plus grand sérieux, et dit à Bucklaw : « Quel que soit le résultat de cette affaire, je suis sûr que vous serez assez juste pour vous souvenir que je n’ai rien dit au maître qui puisse donner lieu à en inférer que j’aie été complice d’aucun acte de violence qu’il se serait mis dans la tête de commettre. — Non, non, pas un seul mot qui indique complicité ; vous connaissez trop bien le risque attaché à ces deux mots terribles : Art et Part[1] puis, comme s’il se parlait à lui-même, il récita les vers suivants :

Le cadran garda le silence,
Mais donna des signes parlants ;
Et l’aiguille, ce doigt du temps,
Pointa l’heure de la vengeance.

« Comment ! que dites-vous donc là ? » demanda Craigengelt, en se retournant d’un air d’inquiétude. — Rien, répondit son compagnon ; seulement des vers que j’ai entendu réciter sur le théâtre. — Bucklaw, dit Craigengelt, j’ai pensé quelquefois que vous auriez dû vous faire comédien ; chez vous tout est caprice et légèreté. — Je l’ai souvent pensé aussi, dit Bucklaw ; et je crois que ce serait moins dangereux que de jouer un rôle avec vous dans la fatale conspiration. Mais partez ; occupez-vous du vôtre, et volez après les chevaux, comme un palefrenier que vous êtes… Lui, auteur ! lui, jouer sur un théâtre ! cela aurait mérité un coup d’épée, si ce n’était que Craigengelt est un poltron. Et cependant j’aimerais assez cette profession. Attendez… voyons… mais oui, je pourrais débuter dans le rôle d’Alexandre[2]

  1. C’est-à-dire crime ou complicité. a. m.
  2. Tragédie de Lee et Dryden. a. m.