Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/76

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« J’échappe du tombeau pour sauver ce que j’aime ;
Glaive en main, et marchez, aussi prompts que l’éclair.
Lorsqu’au sein des périls je m’élance moi-même,
À présent nul de vous, dont chacun m’est si cher,
Nul de vous n’oserait permettre ma déroute :
La gloire à l’amour cède et nous montre la route. »

Pendant que, d’une voix de tonnerre, et la main sur son épée, Bucklaw déclamait d’une manière emphatique les vers du pauvre Lee, Craigengelt rentra l’inquiétude peinte sur le visage.

« Nous sommes perdus, Bucklaw, dit-il ; le cheval du maître s’est enchevêtré dans son licou ; et voilà qu’il est absolument boiteux ; le mauvais cheval qu’il monte sera épuisé par la course d’aujourd’hui, et maintenant il n’en a pas de frais ; il ne pourra jamais s’échapper. — Ah ! ma foi, il n’est pas question de la rapidité de l’éclair cette fois-ci. Mais, attendez, vous pouvez lui donner le vôtre. — Quoi ? et me laisser prendre moi-même ? Grand merci de la proposition. — Mais, dans le cas où le lord Keeper aurait succombé, ce que, pour ma part, je ne puis croire, attendu que le Maître n’est pas homme à tirer sur un vieillard sans armes ; mais enfin, dans le cas où il y aurait eu du fracas au château, vous n’avez ni art ni part dans tout cela, vous n’êtes point complice, et par conséquent vous n’avez rien à craindre. — Sans doute, sans doute, » répondit l’autre d’un air embarrassé ; « mais considérez la commission que j’ai reçue de Saint-Germain. — Et que bien des gens pensent être une commission de votre propre fabrique, noble capitaine. C’est fort bien ; mais, puisque vous ne voulez pas lui donner votre cheval, en bien ! morbleu ! il faut qu’il prenne le mien. — Le vôtre ! — Oui, le mien, je ne veux pas que l’on puisse jamais dire qu’après avoir promis à quelqu’un de le soutenir dans une petite affaire d’honneur, je ne l’ai pas aidé à la vider, ou à le mettre à l’abri du danger qui en était la suite. — Vous voulez lui donner votre cheval ? mais avez-vous considéré la perte ? — La perte ! il est bien vrai que Gilbert mon cheval gris m’a coûté vingt Jacobus, mais le cheval qu’il a aujourd’hui vaut quelque chose, et son Blackmor vaudrait le double de ce qu’il vaut à présent, s’il n’était pas malade, et je sais comment il faut le guérir. Prenez un jeune chien matin ; écorchez-le, videz-le, farcissez bien son corps de limaçons noirs et gris, faites-le rôtir pendant quelque temps, en l’arrosant d’huile d’aspic, mêlée avec du safran, de la cannelle et du miel ; frottez avec la graisse qui en tombera, en tâchant de la faire pénétrer…