Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/63

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dement et la coutume de recevoir des hommages avaient donné à la beauté saxonne un caractère plus altier, qui se mêlait avec un bon caractère. Sa belle chevelure, d’une couleur qui tenait à la fois du noir et du blond, était disposée en boucles gracieuses et innombrables, où l’art était sans doute uni à la nature. Ces boucles étaient chargées de bijoux précieux et portées dans toute leur longueur ; elles annonçaient la condition libre et la haute naissance de la jeune Saxonne qui en était parée. Une chaîne d’or, à laquelle pendait un petit reliquaire de même métal, ceignait son cou plus blanc que l’ivoire. Elle portait des bracelets à ses bras qui étaient nus. Sa parure consistait en une robe de dessous et un jupon de soie d’un vert pâle, avec une autre robe flottante qui descendait à peine jusqu’à terre, et qui avait de larges manches, lesquelles ne dépassaient pas le coude. Cette seconde robe était cramoisie et d’une laine très fine. Un voile de soie mêlée d’or était attaché à la partie supérieure, de façon à pouvoir couvrir à volonté le visage et le sein, à la mode espagnole, ou à former une sorte de draperie sur les épaules.

Quand lady Rowena aperçut les regards du templier tournés sur elle, et qui, comparés à l’orbe noir où ils se mouvaient, avaient l’effet de deux charbons ardents, elle abaissa avec dignité son voile sur sa figure, comme pour lui faire comprendre que cette étrange liberté lui déplaisait. Cedric vit le mouvement et en saisit la cause.

« Sire templier, dit-il, les joues de nos jeunes filles saxonnes ont vu trop peu le soleil pour supporter le regard d’un croisé.

— Si j’ai commis quelque offense, reprit sire Brian, j’implore votre pardon, c’est-à-dire, celui de lady Rowena ; car mon humilité ne s’étend pas plus loin.

— Lady Rowena, dit le prieur, nous a punis tous en réprimant la hardiesse de mon ami. J’espère qu’elle sera moins cruelle au riche tournoi où nous aurons le bonheur de la retrouver.

— Il est encore douteux que nous y paraissions, dit Cedric. Je n’aime pas ces vanités qui étaient inconnues à mes ancêtres, quand l’Angleterre était libre.

— Qu’il nous soit cependant permis d’espérer, répliqua le prieur, de vous déterminer à y aller avec nous ; lorsque les routes sont si dangereuses, l’escorte de sir Brian de Bois-Guilbert n’est pas à dédaigner.

— Sire prieur, répondit le Saxon, chaque fois que j’ai voyagé dans ce pays, il m’a toujours suffi pour cela de moi-même, de ma bonne épée et de mes fidèles suivants, sans l’aide de personne. Ac-